Finalisation du Brexit d'ici mars, élections européennes en mai avec des forces souverainistes en embuscade, difficultés à boucler le budget communautaire... rarement une présidence tournante aura été confrontée à autant de défis.
La Roumanie, qui va chapeauter l'UE pour la première fois depuis son adhésion en 2007, succédant à l'Autriche, a longtemps été classé parmi les pays les plus europhiles parmi les Vingt-Huit.
Mais elle a vu ses relations avec Bruxelles se détériorer fortement ces derniers mois, sur fond de réformes controversées du système judiciaire initiées par le Parti social-démocrate (PSD) au pouvoir.
Emboîtant le pas au dirigeant hongrois Viktor Orban, le patron du PSD Liviu Dragnea, considéré comme l'homme fort du pays, a multiplié les attaques contre la Commission, qualifiant celle-ci d'"inique" après qu'elle a demandé l'abandon de ces réformes, accusées de saper la lutte contre la corruption.
Dans un entretien paru il y a quelques jours dans le quotidien allemand Die Welt, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a répliqué en estimant que "le gouvernement de Bucarest n'a pas encore pleinement compris ce que signifie présider les pays de l'UE".
"L'action prudente exige aussi la volonté d'être à l'écoute des autres et la ferme volonté de mettre ses propres préoccupations au second plan. J'ai quelques doutes à ce sujet", a-t-il poursuivi.
Alors que la majorité connaît une cohabitation houleuse avec le président Klaus Iohannis, un europhile de centre-droit, M. Juncker a également douté de la capacité du pays à apparaître comme une "unité compacte" en Europe.
Les ministres des Affaires étrangères Teodor Melescanu et des Affaires européennes George Ciamba ont toutefois déclaré que Bucarest veillerait à ne pas "exporter les divergences politiques intérieures" et assumerait "son rôle de médiateur impartial" au sein de l'UE.
"Nous contribuerons au maintien de l'unité, de la cohésion et de la solidarité" au sein de l'UE, a elle aussi assuré la Première ministre Viorica Dancila.
M. Iohannis, qui représentera le pays au Conseil européen, s'est également voulu rassurant, soulignant que le pays était "bien préparé" et assumerait la présidence "d'une manière appropriée".
"Rhétorique illibérale"
Mais les soubresauts de la politique roumaine et la volonté de la majorité de mener coûte que coûte sa réforme judiciaire risquent de peser sur la présidence de l'UE.
"Le gouvernement PSD a commencé à faire pression sur les autorités judiciaires et anticorruption roumaines d'une manière qui rappelle ses homologues en Pologne et Hongrie", deux autres pays très critiques envers le fonctionnement de l'UE, note le chercheur Luka Oreskovic, dans une note du think tank European Council on Foreign Relations (ECFR).
Pour leurs détracteurs, ces mesures n'ont d'autre but que d'alléger le casier judiciaire de nombreux élus et proches du PSD, à commencer par M. Dragnea, déjà condamné à de la prison avec sursis pour fraude électorale et visé par deux autres procédures.
Les sociaux-démocrates accusent pour leur part les procureurs anticorruption de faire partie d'un "Etat parallèle" agissant contre le pouvoir élu.
Dans ce contexte, le ton populiste, voire nationaliste, du chef des sociaux-démocrates relève davantage de l'opportunisme que de l'idéologie, estime le politologue Andrei Taranu: "Il copie la rhétorique illibérale du Premier ministre hongrois Viktor Orban, sans toutefois en comprendre les concepts".
Reste que Bucarest veut faire passer rapidement un décret d'amnistie qui pourrait bénéficier aux responsables politiques ayant des démêlés avec la justice.
Un tel projet marquerait le franchissement d'une ligne rouge, prévient-on de source européenne.
La Roumanie, qui "pâtit déjà d'un handicap en termes de crédibilité", devrait alors dépenser son énergie à se défendre vis-à-vis de ses partenaires au lieu de s'occuper des dossiers européens, avertit la même source.
Le pays qui préside l'UE joue un rôle clé dans l'impulsion et l'organisation des discussions entre les Vingt-Huit.
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