Ankara, qui avait menacé de mener une offensive avec ses alliés rebelles syriens contre les forces kurdes dans cette région, a réagi avec colère, estimant que les Kurdes n'avaient "pas le droit" de faire appel à Damas et mettant en garde contre toute "provocation"
L'annonce du régime intervient au moment où il a le vent en poupe. Il multiplie les victoires militaires et semble en passe de briser son isolement diplomatique, comme le montre la réouverture jeudi à Damas de l'ambassade des Emirats arabes Unis.
Le retour du régime dans la région de Minbej, pour la première fois en six ans, intervient alors que les forces kurdes, menacées par l'offensive d'Ankara, ont été prises de court par l'annonce de leur allié américain sur un retrait des troupes déployées en Syrie.
"Des unités de l'armée arabe syrienne sont entrées à Minbej", a annoncé un porte-parole de l'armée, lisant un communiqué à la télévision officielle. Le texte ne précise pas si ces troupes sont entrées dans la ville même de Minbej.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), l'armée et des milices alliées se sont déployées dans des secteurs au nord et à l'est de la ville, créant une "zone-tampon" entre les territoires rebelles pro-Ankara et la cité même, précise l'Observatoire.
Plus de 300 combattants des forces pro-régime ont été déployés dans la région de Minbej, selon l'Observatoire.
"Synchroniser les actions"
Plus tôt, les Unités de protection du peuple (YPG), principale milice kurde de Syrie, avaient demandé à l'armée de déployer ses troupes à Minbej, après avoir affirmé s'en être retirées.
"Nous appelons l'Etat syrien à envoyer ses forces armées pour récupérer (nos) positions et protéger la région de Minbej face aux menaces turques", ont annoncé dans un communiqué les YPG.
La coalition internationale emmenée par Washington, qui soutient les forces kurdes dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), a des troupes stationnées dans le secteur, notamment américaines et françaises, selon l'OSDH. Elle n'a pas annoncé le retrait de ses effectifs.
"Nous ne pouvons pas dire où sont déployées nos forces en Syrie", a laconiquement indiqué la coalition dans un communiqué, en réponse à une question de l'AFP.
Soutenu militairement par ses alliés indéfectibles, l'Iran et la Russie, le régime d'Assad a multiplié les victoires face aux rebelles et aux jihadistes. Il a ainsi repris le contrôle de près des deux-tiers du pays morcelé par une guerre ayant fait plus de 360.000 morts depuis 2011.
Le Kremlin a jugé "positive" l'entrée de l'armée à Minbej, estimant que cela allait "dans le sens d'une stabilisation de la situation".
La question sera discutée samedi lors d'une visite à Moscou des ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense, qui doit "apporter de la clarté" et permettre de "synchroniser les actions" entre la Russie et la Turquie, selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Diplomatie régionale
Depuis la mi-décembre, la Turquie promettait de lancer une nouvelle offensive contre les forces kurdes, massant des renforts à sa frontière et dans le nord syrien.
Des menaces d'autant plus inquiétantes pour les Kurdes, que le président Donald Trump avait annoncé le 19 décembre le retrait de quelque 2.000 militaires américains déployés en Syrie.
L'entrée du régime à Minbej illustre aussi un revirement inédit des relations complexes entre les forces kurdes et le pouvoir de Damas, qui était allé jusqu'à les qualifier parfois de "traîtres".
La minorité kurde, opprimée pendant des décennies par Damas, a profité du conflit pour grignoter une autonomie de facto dans des régions du nord et du nord-est, soit près de 30% du pays.
Les Kurdes contrôlent toujours de vastes territoires dans le nord et nord-est, notamment la ville de Raqa, arrachée à l'EI, la région de Hassaké, ainsi que de vastes pans de la province de Deir Ezzor, où se trouvent d'importants champs pétroliers.
Sur le plan diplomatique, le pouvoir de Damas semble aussi sur la bonne voie pour briser son isolement au plan régional. Jeudi, les Emirats arabes unis ont annoncé la réouverture de leur ambassade dans la capitale syrienne, après sept années d'absence.
Quelques heures plus tard, un autre pays du Golfe, Bahreïn, annonçait la "poursuite" des travaux dans son ambassade en Syrie, signifiant son intention de la rouvrir.
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