Utilise-t-il encore ses deux passeports diplomatiques que le Quai d'Orsay a annoncé jeudi lui avoir réclamés fin juillet ?
Révélé par "La lettre du continent" du 12 décembre, un voyage d'Alexandre Benalla au Tchad début décembre, trois semaines avant celui d'Emmanuel Macron le week-end dernier, pose de nombreuses questions sur les activités de l'ex-chargé de mission qui a rencontré pendant deux heures le président tchadien Idriss Déby.
M. Benalla a indiqué à l'AFP qu'il s'agissait d'un voyage d'affaires avec de "grands patrons du Moyen-Orient" et fait savoir qu'il s'agissait de relations datant d'avant 2012, avant de travailler pour M. Macron.
Samedi, dès l'arrivée du chef de l'État au Tchad, l'Elysée démentait déjà aux journalistes tout lien avec le voyage de M. Benalla qui n'a averti l'Elysée de son déplacement qu'a posteriori.
Mais ses agissements ont suffisamment inquiété le chef de l'État pour qu'il en parle avec son homologue tchadien dès son arrivée à l'aéroport de N'Djamena, comme l'a indiqué Le Monde. Pour signifier à Idriss Déby qu'Alexandre Benalla n'est pas un "émissaire" de l'Elysée, comme l'a souligné dès mercredi la présidence.
Autre point embarrassant, selon Mediapart M. Benalla continue de voyager avec un passeport diplomatique émis le 24 mai, après sa mise à pied liée aux violences du 1er mai. Il avait pourtant affirmé aux sénateurs avoir laissé ce document dans son bureau de l'Elysée. Interrogée par l'AFP, la présidence n'a pas fourni d'explication jeudi.
Le ministère des Affaires étrangères a affirmé lui avoir réclamé en juillet la restitution de deux passeports diplomatiques, ajoutant examiner "les suites à donner, y compris judiciaires".
L'Élysée craint qu'Alexandre Benalla ait noué des relations d'affaires lorsqu'il travaillait encore au Palais, ce qui éclabousserait le chef de l'État. Prenant les devants, l'entourage d'Emmanuel Macron a décidé de lancer une enquête.
Aussi, le directeur de cabinet du président, Patrick Strzoda, lui a-t-il adressé un courrier ce week-end dans lequel il lui réclame de faire toute la lumière sur "d'éventuelles missions personnelles et privées" menées "comme consultant alors que vous étiez en fonction à l'Elysée".
Sur un ton ferme, M. Strzoda souligne que l'Elysée ne pourrait "laisser sans réaction l'existence de relations d'affaires en France ou à l'étranger avec des intérêts privés, tout à fait incompatibles" avec ses fonctions à l'Elysée.
D'éventuelles activités "que vous n'avez jamais révélées avant votre prise de fonctions ou qui auraient été nouées ou qui se seraient perpétuées alors que vous étiez en fonctions", insiste-t-il.
M. Strzoda lui demande de lui fournir "toutes informations pertinentes à ce sujet ainsi que sur les rémunérations que vous auriez reçues directement ou par personnes interposées au titre de ces missions".
Et il l'avertit que son courrier est transmis au procureur de la République de Paris.
Dirigeants africains
Selon Le Monde, outre Idriss Déby, Alexandre Benalla a rencontré son frère, Oumar Déby, qui pilote la Direction générale de la réserve stratégique, chargée des commandes de matériel militaire, le directeur de cabinet du président camerounais Paul Biya ou encore le président Denis Sassou Nguesso.
Le tout dans un voyage avec des hommes d'affaires de sociétés turque, qatari et soudanaise, sous la houlette de l'homme d'affaires franco-israélien Philippe Hababou Solomon, notamment pour la vente d'uniformes.
La présidence française, affirme M. Benalla au Monde, s'était déjà "beaucoup agacée" de sa rencontre à Londres avec Alexandre Djouhri, que la France veut extrader dans le cadre de l'enquête sur le financement libyen présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
Indigné, l'ancien chargé de mission s'en est pris mercredi à "certaines personnes de l'entourage d'Emmanuel Macron", les accusant de vouloir "saccager" sa vie. "Je ne me tairai plus", a-t-il menacé.
De quoi alimenter les interrogations de l'opposition. "Pourquoi Alexandre Benalla bénéficie-t-il toujours d'un passeport diplomatique ? Pourquoi tant de mystères ? Représente-t-il officiellement la France pour en bénéficier?", a dit la porte-parole LR Lydia Guirous. Même question du président des Patriotes Florian Philippot qui souligne que M. Benalla est censé avoir été "sanctionné".
L'ancien chargé de mission avait été remercié cet été après sa mise en cause pour des violences lors des manifestations du 1er mai.
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Alexandre Benalla face aux questions des juges d'instruction
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