Le parquet de Managua a accusé Lucia Pineda de "provocation, incitation et conspiration à commettre des actes terroristes", ainsi que d'incitation à la haine "envers l'institution de l'ordre public, la police nationale", selon un communiqué publié par la présidence de la République.
100% Noticias, une chaîne du câble - fermée par le gouvernement - a été l'un des médias en pointe dans la couverture de la crise que traverse le Nicaragua depuis le début des manifestations antigouvernementales le 18 avril, dont la répression a fait au moins 320 morts selon des ONG.
Samedi, un premier journaliste, Miguel Mora, propriétaire de cette chaîne, avait déjà été inculpé pour "conspiration" et "terrorisme", les mêmes chefs d'accusation imputés aux manifestants contre le régime. Il a été conduit en prison après sa comparution au palais de justice, menotté dans le dos et vêtu d'un uniforme bleu de prisonnier, encadré par des policiers cagoulés et armés de fusils.
"Absurde"
Lucia Pineda, directrice de la rédaction de 100% Noticias, a été placée en détention préventive et le début de son procès a été fixé au 25 janvier.
"Cette accusation est totalement absurde (...), c'est du jamais-vu dans l'histoire juridique du pays. C'est une vengeance du gouvernement" contre les journalistes qui le critiquent, a affirmé à l'AFP Sergio Marín, responsable du Comité des journalistes et des communicants indépendants, récemment créé.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New-York, a demandé aux autorités la libération "immédiate" des journalistes de 100% Noticias et la fin "de cette campagne désespérée pour réduire au silence des voix importantes", dans un communiqué citant la coordinatrice du programme pour l'Amérique centrale et du sud, Natalie Southwick.
Cette nouvelle mise en accusation d'une journaliste s'inscrit dans une vaste offensive du pouvoir depuis début décembre contre les organisations des droits de l'homme, les opposants et les médias critiques du gouvernement du couple présidentiel. Elle avait démarré avec la mise à sac des locaux du site d'information internet Confidencial, dirigé par le journaliste Carlos Fernando Chamorro, un critique virulent du pouvoir.
Le quotidien La Prensa avait de son côté annoncé que le gouvernement l'empêchait d'acheter papier et encre, ainsi que des pièces détachées pour la maintenance de ses rotatives.
"Affront"
Lucia Pineda, 45 ans, qui a la double nationalité nicaraguayenne et costaricienne, a été conduite au tribunal 36 heures après son arrestation vendredi soir quand la police a pris possession des locaux de la chaîne, a déclaré à l'AFP l'avocat Pablo Cuevas, responsable de la Commission permanente des droits de l'Homme (CPDH).
Le président du Costa Rica, Carlos Alvarado, a déploré, dans un tweet, le recours à la "prison préventive", tandis que le consul de ce pays à Managua, Oscar Camacho, a annoncé qu'il fournirait un "suivi" et une "assistance consulaire" à la journaliste.
Le ministère des Affaires étrangères costaricien a, de son côté, exprimé dans un communiqué son "rejet de ce type de jugement sommaire (...) qui devient un affront et un signe supplémentaire d'hostilité envers la presse indépendante" au Nicaragua.
"Les représailles des #OrtegaMurillo contre @LuciaPinedaU et de beaucoup d'autres journalistes est une violation supplémentaire du droit fondamental à l'expression", a commenté sur Twitter la parlementaire américaine républicaine Ileana Ros-Lehtinen. "Les Etats-Unis et ses alliés doivent exiger la liberté pour ces personnes".
Depuis huit mois, les troubles au Nicaragua ont fait plus de 320 morts, tandis que plus de 600 manifestants ont été jetés en prison, dont plus de la moitié ont déjà été condamnés à de lourdes peines pour "terrorisme".
Le président Daniel Ortega, de plus en plus isolé sur la scène internationale, accentue la pression sur son opposition interne en s'en prenant aux défenseurs des droits de l'homme, aux médias indépendants et aux organisations de la société civile.
L'ancien guérillero Daniel Ortega, 73 ans, confronté dans tout le pays à des manifestations massives réclamant son départ - du 18 avril jusqu'à leur écrasement dans le sang au début de l'été - refuse de démissionner ou d'avancer les élections, et a mis fin au dialogue qui s'était noué sous les auspices de l'Eglise catholique.
Au pouvoir depuis 2007, il est accusé par ses opposants d'avoir monté avec son épouse Rosario Murillo un régime népotiste et corrompu.
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