Au lendemain d'un scrutin sans incident, la Commission électorale (Ceni) a publié une première fournée de résultats portant sur à peine 6% des bureaux dépouillés et 750.000 des 10 millions d'électeurs inscrits.
Selon ce décompte, M. Rajoelina arrive en tête avec 57% des suffrages, contre 43% à son rival. La Ceni a promis des résultats significatifs après Noël.
Ces chiffres préliminaires sont encore loin de dessiner une tendance fiable. Mais avant même leur publication, les deux candidats ont déjà proclamé la victoire.
"Le changement arrive demain et, dès aujourd'hui, vous pouvez dire que +Dada+ ("Papa", son surnom en malgache) est élu", a lancé dimanche soir Marc Ravalomanana à ses partisans réunis dans son quartier général de la capitale Antananarivo.
"C'est le numéro 13 (son numéro sur la liste des candidats) qui mène dans tout Madagascar", a asséné en retour Andry Rajoelina devant ses troupes. "Je suis persuadé de remporter une victoire, mais on va attendre les résultats officiels".
La presse locale lui accordait jeudi l'avantage. "Andry Rajoelina fait course en tête", titrait L'Express. "Andry Rajoelina se dirige lentement vers Iavaloha (le palais présidentiel", renchérissait La Vérité.
Règlement de comptes
Au premier tour, l'ex-publicitaire et disc-jockey, 44 ans, avait déjà viré en tête avec 39,23% des voix. M. Ravalomanana, 69 ans, qui a fait fortune à la tête d'un groupe laitier, le talonnait avec 35,35%.
La campagne du second tour a tourné au règlement de comptes personnels entre les deux hommes, dont les rancunes remontent à la crise de 2009.
Elu en 2002, M. Ravalomanana avait été obligé de démissionner sept ans plus tard face à une vague de manifestations violentes fomentées par M. Rajoelina, alors maire de la capitale Antananarivo.
Ce dernier avait ensuite été installé par l'armée à la tête d'une présidence de transition qu'il a quittée en 2014.
Ils avaient été privés de revanche en 2013, interdits de candidature à la faveur d'un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.
Pour reprendre le pouvoir, MM. Rajoelina et Ravalomanana n'ont pas lésiné sur les moyens financiers, apparemment illimités, ni à s'accuser de fraude.
Dès leur second débat télévisé dimanche dernier, M. Ravalomanana a reproché à son rival de préparer la fraude, faisant état de la circulation de "fausses cartes d'identité et de fausses cartes d'électeurs".
Il a répété mercredi qu'il n'accepterait "jamais" les résultats "s'il y a de la fraude".
Dérapages
Le camp de M. Rajoelina a riposté en affirmant avoir observé le jour du scrutin de "nombreuses manipulations, actes de corruption et tentative de détournement des voix de la part des partisans du candidat 25".
Ces échanges laissent présager de vives tensions d'ici à la proclamation des résultats, dans un pays habitué des crises politiques depuis son indépendance en 1960.
"Je suis inquiète car si les résultats sont serrés, aucun n'a fait la promesse ferme de les respecter", observe Hony Radaert, de l'ONG Collectifs des citoyens. "Les deux candidats et leur entourage ont des intérêts énormes en jeu, il y a des risques de dérapages".
Ex-ministre de l'Education et candidat malheureux au premier tour, Paul Rabary est plus pessimiste.
"Je suis sûr qu'il va y avoir des problèmes", pronostique l'universitaire, "le prochain président ne sera pas celui qui a été élu dans les urnes mais celui qui réussira à imposer sa victoire par la force".
Mercredi, le chef de la mission d'observation de l'Union européenne (UE) a appelé les protagonistes et leur camp à la raison et au sang froid.
"On attend comme au premier tour que les candidats attendent patiemment les résultats", a déclaré Cristian Preda, "on attend qu'ils ne mobilisent pas la rue, ce n'est pas comme ça qu'ils gagneront".
Ce face-à-face au tour très personnel a largement occulté les problèmes de fond du pays, un des plus pauvres du continent africain et du monde.
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