"Nous avons besoin de main d'oeuvre de pays tiers (hors Allemagne et Union européenne, ndlr) pour assurer notre prospérité et pouvoir occuper les emplois" vacants, a martelé le ministre de l'Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer, mercredi à l'issue du conseil des ministres.
Peu auparavant, un projet de "loi sur l'immigration de travailleurs qualifiés" avait été adopté par les ministres d'Angela Merkel, à l'issue de tractations de dernière minute entre les partis social-démocrate SPD et conservateur CDU/CSU de la "grande coalition".
Le SPD tenait absolument à ce que ce projet phare du quatrième gouvernement Merkel puisse être porté sur les fonts baptismaux avant la fin de l'année, faisant officiellement de l'Allemagne un pays d'immigration.
"C'est un progrès immense: après vingt ans de débat, l'Allemagne se dote d'une loi moderne sur l'immigration", s'est félicité le ministre social-démocrate du Travail, Hubertus Heil.
Mais face à la montée de l'extrême droite depuis l'arrivée de près d'un million de demandeurs d'asile en 2015, les députés conservateurs ont réclamé des ajustements à un premier projet élaboré en octobre.
Aucune aide
L'objectif du projet de loi, qui doit être adopté au Parlement courant 2019, est de répondre au manque de main-d'oeuvre criant dans certains secteurs de l'économie phare de l'Europe.
Concrètement, il prévoit que les personnes originaires de pays hors de l'Union européenne et disposant de qualifications obtiennent un permis de séjour de six mois afin de décrocher un emploi.
Durant cette période, ils devront disposer de leurs propres moyens de subsistance et démontrer un niveau d'allemand suffisant. Ils n'auront droit à aucune prestation sociale. Leur permis de séjour sera prolongé s'ils trouvent un travail.
Un projet de loi distinct doit également permettre à des demandeurs d'asile déboutés mais qui ne peuvent pas être expulsés d'Allemagne d'obtenir un permis de séjour s'ils disposent d'un emploi depuis au moins 18 mois, ont un casier judiciaire vierge et ont réalisé "de bons progrès dans l'intégration", selon M. Seehofer.
L'Allemagne entend recruter dans des secteurs stratégiques comme l'informatique, les technologies de l'information ou les métiers de la cuisine et des soins aux personnes âgées. Les manques sont particulièrement criants dans les petites et moyennes entreprises (PME), "coeur" du modèle économique allemand.
Selon des experts de l'Université de Constance et de l'Agence fédérale pour l'emploi, face au vieillissement de ses actifs, l'Allemagne aura besoin annuellement en moyenne jusqu'en 2050 de 400.000 travailleurs originaires de pays hors de l'UE.
Dumping salarial ?
Le patronat réclame à cor et à cri que cette immigration soit facilitée, la pénurie ayant été accentuée par la forte croissance des dernières années.
Mais la droite conservatrice redoute plus que tout que cette nouvelle législation ne serve d'"appel d'air" pour une nouvelle vague d'immigration après l'arrivée de plus d'un million de migrants en 2015 et 2016 qui a redessiné le paysage politique allemand sur fond d'inquiétudes d'une partie de la population.
Ce projet de loi sera notamment soumis à une chambre des députés qui compte depuis 2017 plus de 90 députés d'extrême droite.
De son côté, la Fédération des syndicats allemands DGB a mis en garde contre le texte, craignant qu'il ne provoque un dumping sur les salaires et l'exploitation de la main d'oeuvre étrangère.
Le ministre de l'Economie, Peter Altmaier, a jugé qu'il s'agissait d'un "jour historique" pour l'Allemagne qui met un terme à un long "débat idéologique" sur l'immigration. Le pays compte déjà 14,9% de personnes nées à l'étranger, selon l'ONU, mais il a encore du mal à se considérer comme une terre d'immigration.
Si dès les années 1960, elle a fait venir de Turquie et de Grèce de nombreux étrangers pour travailler dans ses usines, ils étaient considérés comme des "travailleurs invités" appelés à rentrer dans leur pays. Dans les faits, nombre d'entre eux sont restés.
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