La grogne était visible mercredi matin aux aéroports de Roissy et d'Orly, près de Paris, où les fonctionnaires de la Police aux frontières appliquaient un contrôle scrupuleux des passeports en soutien à leurs collègues, selon des sources aéroportuaires. Résultat: de longues files d'attente se sont formées dans les terminaux et une attente d'une heure était à prévoir aux contrôles des passeports aux arrivées des terminaux 1 et 2 à Roissy.
Pour la journée de mercredi, le syndicat Alliance a plus généralement lancé le mot d'ordre "Fermons les commissariats" et demandé "à tous les policiers de France de ne sortir que sur appel" d'urgence - un appel auquel s'est rallié Unité-SGP-FO pour réclamer de meilleures conditions de travail et de rémunération.
Confronté à sa première crise en interne depuis son arrivée il y a deux mois à Beauvau, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner s'était voulu rassurant mardi, assurant que les policiers ne bloqueraient pas les commissariats "parce qu'ils ont le sens du service public".
"Je ne crois pas que les policiers soient +gilets jaunes+", avait aussi estimé mardi le ministre peu avant une rencontre avec les trois organisations syndicales représentatives chez les gardiens de la paix: Alliance, Unité-SGP-FO et Unsa-Police. Après trois heures de discussions, celles-ci ont été suspendues et reprendront mercredi, selon les syndicats.
En attendant, le gouvernement a réaffirmé mercredi sa volonté de payer les 274 millions d'euros dus aux policiers au titre des heures supplémentaires accumulées depuis plusieurs années. "Ce paiement sera effectif selon un calendrier que nous allons définir. C'est ce dont nous discutons avec les organisations syndicales", a déclaré le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez sur RMC.
Mardi, Christophe Castaner avait rappelé que ce stock d'heures supplémentaires avait commencé à s'accumuler non pas "ces derniers mois" ou "cette dernière année, mais depuis des dizaines d'années".
Autre réponse de l'exécutif: une prime de 300 euros versée aux forces de l'ordre mobilisées face aux "gilets jaunes". Un amendement en ce sens a été adopté dans la nuit de mardi à mercredi à l'Assemblée dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2019.
D'après Laurent Nuñez, le chiffre de 111.000 policiers et gendarmes auxquels elle doit être versée est "une base de départ". "On discute actuellement du périmètre, c'est-à-dire le nombre de policiers et de gendarmes qui pourraient être concernés", a-t-il ajouté.
"Gyros bleus"
Depuis une petite semaine, les syndicats ont fait monter la pression sur le gouvernement après un mois éreintant où les forces de l'ordre ont dû gérer la mobilisation des "gilets jaunes" mais aussi une menace terroriste revenue brutalement sur le devant de l'actualité avec l'attentat de Strasbourg, qui a fait cinq morts.
Lundi, les syndicats policiers, regonflés par des taux de participation record aux récentes élections professionnelles (85,54% au comité technique de la police nationale), ont décidé de durcir le ton pour contraindre l'exécutif à délier les cordons de la bourse.
En marge des syndicats, un mouvement baptisé "gyros bleus" et relayé sur les réseaux sociaux par des policiers en colère agite le souvenir du mouvement de fronde inédit qui a surgi à l'automne 2016 au sein de la base policière, après l'attaque au cocktail molotov dont ont été victimes des fonctionnaires à Viry-Chatillon (Essonne).
"Mal-être", "perte de sens" : un rapport parlementaire avait déjà dressé en juillet un tableau très sombre de l'état des forces de l'ordre françaises. Le mois de crise des "gilets jaunes" qui vient de s'écouler, avec un niveau de mobilisation des forces de l'ordre rarement atteint et des confrontations parfois très violentes avec les manifestants, n'a rien arrangé.
Il a nourri "l'épuisement" des forces de sécurité, décrit par les syndicats mais aussi par le gouvernement qui a usé de cet argument pour demander aux "gilets jaunes" de cesser de manifester.
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