17h30 place de la mairie à Caen (Calvados). La nuit vient de tomber, les lumières clignotantes de la grande roue installée depuis début décembre sur la place rappellent qu'en ce lundi 17 décembre 2018, le cœur doit être à la fête. À son pied, un groupe d'une dizaine de gilets jaunes se rassemble. Le rond-point de la mairie est juste à côté. Les automobilistes les regardent, inquiets. Une nouvelle action des gilets jaunes ? Oui. Mais cette fois, pas question de rond-point. L'objectif du jour : la distribution de denrées alimentaires aux sans-abri.
Une initiative spontanée
À l'origine de cette nouvelle initiative, la manifestation, pluvieuse et glaciale de samedi 15 décembre. Dans la confusion de l'organisation, le " mouvement des gilets jaunes pacifistes de Caen " se détache et choisi de mener sa propre action. " On avait froid, on cherchait une nouvelle façon de se rendre utile. On a donc décidé de mettre de l'argent en commun et d'aller faire des courses pour les plus démunis au Carrefour Côte-de-Nacre ", explique Chloé Tessier, une des figures du mouvement en Normandie. Avec soixante euros en poche, ils investissent donc les allées du Carrefour et commencent à remplir leur chariot. Toujours vêtus de leurs gilets jaunes, leur arrivée dans les allées du supermarché ne passe pas inaperçue. " Au début, les clients pensaient qu'on allait bloquer le magasin ", s'amuse Chloé. Au contact de la clientèle, le groupe explique alors leur démarche. " Et là, les gens commencent à nous donner de l'argent pour participer. Nous vient alors l'idée d'organiser une véritable collecte de dons alimentaires ". Avec l'accord du directeur du supermarché, ils installent alors un point de collecte, à la manière des associations. Forts de leur succès, ils renouvellent l'opération dimanche. En tout, sept caddies seront remplis ce week-end grâce aux dons.
Surpris par l'ampleur de la collecte mais non moins déterminés, Sébastien, un gilet jaune, contacte l'Association Les roses du sourire qui organise des maraudes le lundi soir dans les rues de Caen. Le rendez-vous est fixé. Il leur reste 24 heures pour l'organiser. " Chacun a été mis à contribution ", détaille-t-il, " le frigo de l'un sert à stocker, la voiture de l'autre à transporter. Et aujourd'hui, ça a été élaboration de sandwichs à la chaîne ". " Nous aussi on monte notre start-up ! ", ironise-t-on à côté. Start-up ou maraude, pas si simple d'organiser une tournée quand on a peu d'expérience. Les gilets jaunes comptent sur Patricia Bourgeois, de l'association Les roses du sourire pour les guider dans ses pas. La présidente avait donné rendez-vous à des sans-abri pour distribuer, ce lundi, couvertures et bonnets.
Développer "les actions pacifistes"
À tâtons, la maraude des gilets jaunes s'organise. " On se divise les points de distribution ? On y va tous ensemble ? ". Quelques minutes de confusion. Le collectif l'emporte et le convoi s'élance les rues de Caen. Premier arrêt : Place Bouchard, dans le centre-ville. Les sacs chargés de denrées, le groupe patiente. Personne. Après, un léger moment de flottement, ils s'élancent de nouveau, en direction du port. " C'est nouveau pour nous. L'organisation est un peu confuse ", s'excuse Chloé. Dans la rue, une femme âgée se dirige vers le groupe. " Vous êtes des gilets jaunes ? C'est bien, il faut continuer ", les encourage-t-elle. Arrivés au port, des personnes en situation de précarité les attentent. " Ah les gilets jaunes ! ", s'exclame l'une d'entre elles. Les membres du mouvement discutent, sensibilisent à leur cause. Toutes les occasions sont bonnes pour expliquer leur démarche. " Ce qu'on veut, c'est montrer qu'on peut conjuguer des actions coup de poing avec des actions pacifistes ", expose Anthony, gilet jaune.
Après une demi-heure sur place, le groupe se dirige vers la gare, où il espère pouvoir installer un stand de distribution. Un groupe se détache et part en éclaireur, trouver le bon point de chute. Ceux restés sur le parking discutent, devant le coffre rempli de victuaille. Malgré la fatigue et les tensions d'un mois de mobilisation, l'ambiance est bon enfant. L'un charrie l'autre et l'on rigole de plaisanteries que seuls les initiés peuvent comprendre. " C'est ça aussi les Gilets jaunes. C'est l'humain ", sourit Sébastien, " On retrouve un groupe et on sort de chez nous. On va à la rencontre de personne que l'on n'aurait pas pu rencontrer autrement ". Hommes, femmes, jeunes. Difficile d'en tirer une homogénéité. " Alors oui, ça gueule et on n'est pas toujours d'accord. Mais c'est aussi ça la force de notre mouvement. Tout le monde peut s'exprimer ", présente Chloé. Tous se retrouvent dans le combat et cette envie de ne rien lâcher. Voir le mouvement perdurer. " Ce genre d'initiative, ça peut nous permettre de nous renouveler. De nous inscrire dans la durée ", espère Anthony. Une opération séduction pour redorer leur image ? " Pas du tout ! ", tranche Chloé. " C'est le cœur du mouvement depuis le début. Redonner de l'humanité aux personnes qui en ont été privées. À la base, c'est l'État qui devrait s'en charger ".
Pour ce soir, le groupe s'associe finalement aux Restos du cœur installés tous les lundis sous le pont de la gare. Sandwichs, clémentines, biscuits " et même chocolats, pour la touche de Noël ", sont répartis dans des colis mis à disposition. Signe des temps et des besoins, en moins de 10 minutes, une trentaine de colis sont distribués. À peine le temps de déballer que la prochaine direction est déjà discutée. " Rue Saint-Jean ? Chemin vert ? " Déterminés à écouler leur stock, ils continuent d'arpenter la ville. Une première soirée test, qui pourrait ouvrir la voie à de prochaines opérations du genre.
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