"L'action défaillante de l'État en matière de lutte contre le changement climatique traduit une carence fautive de l'État à respecter son obligation de protection de l'environnement, de la santé et de la sécurité humaine", arguent dans cette "demande préalable" Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l'Homme (FNH) et l'association Notre affaire à tous.
Selon la procédure, l'État a deux mois pour répondre. Les ONG prévoient dans un second temps, en mars probablement, d'introduire un recours juridique devant le tribunal administratif de Paris.
"On demande réparation de nos préjudices et que l'État agisse tout de suite, à tous niveaux", dit Laura Monnier, chargée de campagne pour Greenpeace, qui évoque une première juridique à l'échelle française.
En novembre, le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord) avait engagé un recours gracieux auprès de l'État pour "inaction en matière climatique", relevant notamment la vulnérabilité de sa commune, bâtie sur un territoire de polder. Là encore, le gouvernement a deux mois pour réagir.
L'idée est de "le contraindre à agir", dit Cécile Duflot, pour Oxfam: "l'urgence et l'inaction l'exigent. Ce n'est pas anecdotique que des ONG, qui ont toujours participé aux négociations, au Grenelle... disent: maintenant ça suffit!"
"Solutions qu'on connaît"
Face aux dérèglements climatiques, les recours en justice se multiplient dans le monde, contre des mesures insuffisantes pour garder le réchauffement sous contrôle.
Aux Pays-Bas en 2015, un tribunal, saisi par l'ONG Urgenda au nom de 900 citoyens, a ordonné à l'État de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le pays de 25% d'ici à 2020. Le jugement a été confirmé en appel en octobre.
Aux États-Unis en 2015, une vingtaine d'enfants et adolescents ont déposé avec l'association Our Children's Trust un recours devant un tribunal de l'Oregon, réclamant au gouvernement de baisser les émissions de CO2.
En France, les associations y travaillent depuis longtemps. Leur annonce tombe au lendemain d'une conférence climat de l'ONU (COP24) qui a déçu par l'incapacité des Etats à renforcer leur action.
"On pressentait l'issue de la COP24", déplore Cécile Duflot. "Même sur leurs engagements initiaux, les États n'arrivent pas à dégager des modes d'action, et notamment pas la France".
Les plaignants soulignent que la France, dont les émissions de GES sont reparties à la hausse en 2015, ne respecte notamment pas ses objectifs de court terme.
Ils se fondent sur la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantissent la protection des citoyens. Ils dénoncent aussi "une violation de plusieurs engagements de la France en matière de lutte contre le changement climatique au titre du droit international".
Une réponse à la hauteur, d'après eux, "ce serait une conversion rapide à la transition écologique, un soutien aux énergies renouvelables, un vaste plan d'économies d'énergies dans le bâtiment... toutes ces solutions qu'on connaît", explique Cécile Duflot. "On ne peut plus se suffire de paroles".
Selon la dernière synthèse scientifique sur le climat du Giec, il faudrait réduire les émissions mondiales de GES de 45% en 2030 par rapport à 2010, pour espérer rester sous 1,5°C de réchauffement, qui promet déjà un bouleversement. Or à ce stade le monde va vers +3°C.
Aux Pays-Bas, la justice s'est appuyée dans sa décision sur la Convention européenne des droits de l'Homme. "On peut imaginer un raisonnement similaire du juge français", affirme Laura Monnier.
En France, le Conseil d'État, plus haute juridiction administrative, a déjà enjoint en 2017 au gouvernement d'agir contre la pollution de l'air, après une plainte des Amis de la Terre. Depuis, l'État a présenté des "feuilles de route" sur l'air, jugées insuffisantes par les ONG, qui ont déposé une demande d'astreinte de 100.000 euros par jour de retard.
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