Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, qui avait défendu sans succès jusqu'à présent l'adoption d'une taxe au niveau européen sur les géants du numérique, appelés Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, etc.), a clairement changé de stratégie.
"La taxe s'appliquera en tout état de cause au 1er janvier 2019 et elle portera donc sur l'ensemble de l'année 2019 pour un montant que nous évaluons à 500 millions d'euros", a-t-il affirmé au cours d'une conférence de presse à Paris avec le ministre russe du Développement économique, Maxime Orechkine.
"Nous continuerons à respecter nos obligations fiscales telles que définies par les législations française et européennes", a dit à l'AFP un porte-parole de Facebook après l'annonce, précisant que Facebook avait "volontairement mis en place en 2018 une nouvelle structure de vente et de facturation" en France et que tous les revenus provenant d'annonceurs pris en charge par ses équipes sur le territoire français "sont enregistrées en France" et plus à Dublin. Contacté par l'AFP, Apple France n'a pas souhaité commenter.
Le Premier ministre Edouard Philippe avait précédemment fait savoir dans une interview aux Echos que son gouvernement comptait sur ces 500 millions d'euros pour financer les mesures sociales annoncées par le président Emmanuel Macron, dont le coût est évalué à environ 10 milliards d'euros.
Il s'agit d'un changement de ton de l'exécutif : début décembre, lorsque les ministres des Finances de l'UE n'étaient pas parvenus à se mettre d'accord sur cette taxe, Paris avait reculé pour tenter de sauver la taxe européenne sur l'économie numérique.
M. Le Maire et son homologue allemand Olaf Scholz s'étaient mis d'accord sur une version édulcorée de l'un des projets phare de M. Macron.
Une assiette plus large
Avec ses déclarations de lundi, le ministre français renonce à attendre encore deux longues années qu'un accord international soit trouvé au sein de l'OCDE, même s'il maintient son appel aux autres pays européens à approuver cette taxe avant mars pour une entrée en vigueur en 2021.
"Notre détermination à obtenir avant le mois de mars 2019 une décision européenne à l'unanimité sur une directive est totale", a-t-il assuré, précisant s'être entretenu récemment à ce propos au téléphone avec M. Scholz.
"Nous allons engager des démarches avec mon homologue allemand pour convaincre les quelques Etats qui restent opposés à cette taxation du numérique au niveau européen", a-t-il affirmé.
L'Irlande, le Danemark et la Suède s'étaient clairement opposés à une taxe sur 3% du chiffre d'affaires des géants du numérique. Pour sa part, l'Allemagne ne la voyait pas non plus d'un très bon œil, par crainte de mesures de rétorsion américaines contre son industrie automobile.
La décision française a pris par surprise ses partenaires. "C'est un peu brouillon", a indiqué à l'AFP une source proche du dossier. "La loi n'est pas encore votée et une application rétroactive semble très compliquée".
Avec cette décision, la France a choisi d'avancer seule sur le front de la fiscalité des Gafa, souvent accusés de ne pas payer les impôts qui leur correspondent dans les pays où ils sont actifs.
M. Le Maire va même plus loin: la taxe ne se limitera pas au chiffre d'affaires prévu dans la directive européenne qui devait être soumise aux États membres, mais elle s'étendra également "aux revenus publicitaires, aux plateformes et à la revente de données personnelles".
Le ministre a précisé que la mesure "pourrait être introduite dans la loi Pacte" pour les entreprises, approuvée en première lecture à l'Assemblée nationale et qui devrait être soumise au Sénat en début d'année prochaine.
Des initiatives pour taxer les Gafa et autres géants du numérique ont déjà été prises au niveau national dans plusieurs pays, comme le Royaume-Uni et Singapour. Mais les mesures en ce sens restent à ce stade timorées. En Italie, les députés ont ainsi voté en fin d'année dernière une taxe sur des transactions sur internet, mais la loi n'entrera finalement pas en vigueur.
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