Le Premier ministre Édouard Philippe a donné le coup d'envoi d'une semaine décisive pour tenter de remettre la Macronie à flot, en détaillant, dans un entretien aux Échos, les gestes annoncés six jours auparavant par le chef de l'État.
Pendant ce temps, sur les ronds-points, plusieurs "gilets jaunes" craignent d'être délogés de force dans les prochaines heures. Ainsi en Saône-et-Loire, une cinquantaine de manifestants, rassemblés devant le commissariat de Montceau-les-Mines, ont affirmé que l'ordre avait été donné de "raser" toutes leurs installations d'ici mercredi.
Le pouvoir a envoyé plusieurs signaux en ce sens. Le président de l'Assemblée Richard Ferrand a évoqué l'envoi de "CRS ou de gendarmes" pour "libérer l'espace public".
"Si le gouvernement fait ça, c'est vraiment qu'il n'a rien compris", a déclaré à l'AFP un porte-parole des "gilets jaunes" de Saône-et-Loire, Pierre-Gaël Laveder.
Édouard Philippe a dit avoir "reçu le message des Français: ils veulent que nous allions plus vite sur le pouvoir d'achat tout en les associant davantage à la décision".
Dans un entretien aux Échos, il a dessiné les contours des mesures censées mettre fin à une crise d'un genre inédit qui secoue la France depuis un mois.
Principale mise au point du Premier ministre, le gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic passera "par une hausse massive de la prime d'activité" qui sera versée "dès le 5 février pour compléter le salaire de janvier".
"On va beaucoup plus loin que le Smic", a affirmé lundi la ministre du Travail Muriel Pénicaud. "Aujourd'hui, on a 3,5 millions de personnes qui peuvent bénéficier de la prime d'activité (...), demain il y en aura 5 millions", a-t-elle indiqué, jugeant que la promesse d'Emmanuel Macron "est plus que tenue".
Timing serré
Matignon dit assumer le fait que 1,2 million de smicards ne bénéficient pas de la mesure, car ils se trouvent grâce à d'autres revenus dans les 30% des foyers Français les plus aisés. "Mais nous en débattrons naturellement au Parlement", a souligné M. Philippe.
"Ca va sans doute créer beaucoup de frustration et d'incompréhension", a estimé Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.
Au total, ces mesures, parmi lesquelles figurent aussi les heures supplémentaires défiscalisées ou l'exemption de hausse de CSG pour certains retraités, vont coûter selon Matignon 10,3 milliards d'euros, gel de la taxe carbone compris, et creuser le déficit, qui devrait atteindre 3,2% du PIB en 2019.
Elles doivent désormais être présentées en projet de loi mercredi en Conseil des ministres, avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi.
Le timing est serré. Richard Ferrand en a appelé à "la responsabilité des parlementaires" pour valider les mesures dès vendredi, afin qu'elles soient applicables au 1er janvier. Cela éviterait aussi aux parlementaires de siéger pendant les vacances de Noël.
"Le compte n'y est pas du tout", a dénoncé Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, qui a appelé les "gilets jaunes" à "garder la pression".
Les détails de la "grande concertation nationale" doivent également être connus dans la semaine. Le débat, prévu jusqu'au 1er mars, doit s'appuyer fortement sur les maires et aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État, et démocratie et citoyenneté – dans lequel a été insérée l'immigration).
Dans le cadre de ce débat, le Premier ministre s'est déclaré favorable sur le principe à un référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications des "gilets jaunes", mais "pas dans n'importe quelles conditions".
"Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort dans notre pays", a mis en garde Stanislas Guerini, le délégué général de La République en marche.
Le chef des file des députés LREM, Gilles Le Gendre, a lui appelé à "garder le bien le plus précieux: la stabilité des institutions" qui "va de pair avec une certaine verticalité du pouvoir".
La concertation nationale, que le président Macron veut exhaustive, bouleverse le calendrier de la majorité et a déjà repoussé la réforme constitutionnelle.
Mais l'exécutif réfute l'idée que sa capacité à réformer est désormais entamée. "Je crois que la mobilisation des gilets jaunes ne traduit pas une aspiration pour le statu quo, au contraire. Notre objectif est de continuer à transformer, à moderniser le pays", a assuré Édouard Philippe.
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