Avec son bronzage intégral, son carré blond platiné et ses dessins sur la moitié du corps, Mana Izumi, une ancienne actrice de films pornographiques de 29 ans, ne passe pas inaperçue.
"Je n'étais pas vraiment une fan d'Amuro mais je trouvais ça mignon", explique-t-elle à l'AFP. "Quand ma maman a vu mon tatouage pour la première fois, elle a fondu en larmes et j'ai cru que mon père allait me tuer. Mais moi, j'aime être un peu différente."
Alors que des foules d'étrangers s'apprêtent à arborer en toute innocence au Japon leur art corporel à l'occasion des jeux Olympiques de l'été 2020 et de la Coupe du monde de rugby de 2019, les tatouages éveillent encore dans ce pays des soupçons profondément ancrés. Un petit motif sur la peau et l'on est exclu sans discussion des bains publics de sources d'eau chaude (onsen), des piscines, des plages et bien souvent des salles de sport.
"C'est lamentable de voir combien il y a de préjugés contre les tatouages", s'insurge Mana Izumi, en se faisant dessiner sur la jambe une tête de mort aztèque pour 400 euros.
"Les gens peuvent penser que j'ai l'air un peu folle", ajoute-t-elle en fumant tranquillement. "Mais je ne regrette pas de me faire tatouer."
Marque de la pègre
Le Japon a depuis longtemps une relation compliquée avec les tatouages.
Au XVIIe siècle, on marquait les criminels en guise de punition. Et, de nos jours, des yakuza expriment leur fidélité à leurs organisations criminelles par le traditionnel "irezumi" qui couvre tout le corps.
Lorsque le Japon s'est ouvert sur le monde au XIXe siècle, les tatouages ont été interdits, tout comme la nudité en public ou les charmeurs de serpents, les autorités craignant que les étrangers ne considèrent les Japonais comme "primitifs", selon Brian Ashcraft, auteur de "Japanese Tattoos: History, Culture, Design".
Dans le même temps, des membres de familles royales européennes se faisaient tatouer au Japon, tant le pays était réputé pour cet art.
Si l'interdiction des tatouages a été levée en 1948 par les forces américaines d'occupation, le stigmate ne s'est pas effacé chez les Japonais.
"Ils voient un tatouage et ils pensent +yakuza+ au lieu d'admirer la beauté de cette forme d'art", regrette M. Ashcraft. "Tant que cela ne changera pas, les tatouages continueront d'exister dans une zone grise".
Les autorités ferment généralement les yeux, mais de récents raids et amendes ont semé la confusion chez les tatoueurs nippons, dont le nombre est estimé à 3.000.
Une bataille judiciaire a fait rage. Un tatoueur d'Osaka (ouest) trentenaire, Taiki Masuda, a été arrêté en 2015 pour pratique illégale de la médecine et condamné à une amende de 300.000 yens (2.300 euros). Une circulaire du ministère de la santé datant de 2001 qualifiait le tatouage d'acte médical car il implique l'usage d'aiguilles. Au terme d'un long et controversé procès en appel, la condamnation a été annulée.
Confucius
"Il n'y a pas de cadre juridique réglementant cette activité au Japon", explique M. Masuda à l'AFP. Or "elle est le gagne-pain de nombreuses personnes et c'est pourquoi j'ai dû me battre dans l'espoir de contribuer à la légaliser".
Dans le métier, certains vieux loups ne voient pas les choses de cet oeil. "Les tatouages doivent avoir un petit piment d'illégalité", estime l'un d'eux, Horiyoshi III, qui qualifie le combat judiciaire de M. Masuda de "provocation".
Noriyuki Katsuta, membre de l'association "Sauver le tatouage au Japon" estime entre 500.000 et un million le nombre de Japonais tatoués, sur une population de 126,4 millions d'habitants.
"Je ne sais pas à quel point les jeux Olympiques pourront changer les mentalités", s'interroge M. Ashcraft, en faisant remarquer que la télévision japonaise floute les tatouages. De plus, "quand les gens voient des étrangers tatoués, ils ont tendance à mettre cela sur le compte d'une culture qui n'est pas la leur".
Pour lui, les préjugés tirent en grande partie leur origine du confucianisme, dans lequel le fait d'altérer le corps qui qu'on a reçu de ses parents est un manque de respect.
"Pour la génération de ma mère, quiconque avait comme moi un tatouage était considéré comme un yakuza", dit Mana Izumi. "Mais quand les gens me font la leçon sur la profanation du corps que mes parents m'ont donné, ça me rend vraiment malade. J'estime n'avoir de comptes à rendre à personne".
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