"Nous sommes tous convenus que la chose la plus importante à faire est de respecter l'Etat de droit" et "que le processus judiciaire en cours au Canada reste apolitique", a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland lors d'une conférence de presse à Washington avec son homologue américain Mike Pompeo.
Les autorités chinoises ne décolèrent pas depuis l'arrestation au Canada le 1er décembre, à la demande des Etats-Unis, de Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois des télécoms.
Elle a été libérée sous caution par la justice canadienne mardi, dans l'attente d'une procédure d'extradition vers les Etats-Unis qui pourrait prendre plusieurs mois. Washington la soupçonne de complicité de fraude pour contourner les sanctions américaines contre l'Iran, et elle encourt plus de 30 ans de prison si elle est jugée devant un tribunal américain.
Dans ce qui est apparu comme une possible riposte, la Chine a arrêté cette semaine deux Canadiens officiellement soupçonnés de mener des "activités menaçant" sa "sécurité nationale": Michael Kovrig, ex-diplomate actuellement employé par un centre de réflexion, et Michael Spavor, consultant vivant au Liaoning, une province du nord-est chinois.
Selon plusieurs observateurs, le gouvernement canadien de Justin Trudeau se retrouve en fait au coeur de cette crise diplomatique majeure un peu malgré lui, otage de la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine depuis plusieurs mois.
Soupçons d'ingérence
Le président Trump, qui a fait de ce conflit à coups de taxes douanières un des axes forts de sa politique, a ainsi confirmé qu'il songeait à se servir de l'arrestation de la dirigeante de Huawei pour avancer ses pions sur le front commercial, alors que les deux grandes puissances rivales se sont donné jusqu'à début mars pour parvenir à un accord global.
"J'interviendrais sûrement si je pensais que c'était nécessaire", notamment si "c'est bon" pour conclure un accord commercial avec le président chinois Xi Jinping, a-t-il lâché cette semaine.
Des déclarations qui ont fortement déplu à Ottawa. "Il est très important pour le Canada que les accords d'extradition ne soient pas utilisés pour des raisons politiques", a prévenu Chrystia Freeland en présence de Mike Pompeo. "Le Canada n'agit pas de telle façon et il me semble évident que des pays démocratiques comme les Etats-Unis, notre partenaire, agissent de la même manière", a-t-elle insisté, après avoir assuré que l'arrestation de Meng Wanzhou répondait aux obligations judiciaires internationales.
Le chef de la diplomatie américaine a nié pour sa part que le Canada puisse être une victime collatérale de la guerre commerciale sino-américaine, et a tenté de balayer les soupçons d'ingérence dans les affaires judiciaires nés des propos du président Trump. "Nous respectons l'Etat de droit à chaque étape", a-t-il martelé.
Mike Pompeo, qui se montre souvent ferme à l'égard de Pékin, a aussi apporté son soutien à l'allié canadien en jugeant "inacceptable" l'arrestation "illégale" des deux Canadiens en Chine, promettant de "travailler" pour assurer leur "retour".
L'ambassadeur du Canada en Chine a rencontré vendredi un de ces deux détenus, Michael Kovrig, a annoncé la diplomatie canadienne, précisant qu'elle cherchait en revanche toujours à entrer en contact consulaire avec l'autre, Michael Spavor.
La rencontre entre Mike Pompeo et Chrystia Freeland était prévue de longue date dans le cadre de leur dialogue annuel sur les questions de politique étrangère et de sécurité, avec également les ministres de la Défense, l'Américain Jim Mattis et le Canadien Harjit Sajjan.
Les quatre ministres ont salué les relations entre les deux pays voisins, qui ont connu une embellie grâce à la conclusion d'un nouvel accord de libre-échange nord-américain, après une phase de tensions inédites entre Donald Trump et Justin Trudeau. Mais Chrystia Freeland a tenu à rappeler qu'Ottawa continuait de juger "injustes et illégales" les taxes douanières américaines sur l'acier et l'aluminium canadiens.
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