"J'intime l'ordre de placer en détention en vue d'une extradition le ressortissant italien Cesare Battisti", a écrit le juge Luiz Fux, dans une ordonnance dont l'AFP a obtenu copie. Ce juge souhaite éviter "toute tentative de fuite".
Cesare Battisti, 63 ans, a été condamné en 1993 à la réclusion à perpétuité pour quatre meurtres et complicité de meurtres à la fin des années 1970. Il clame aujourd'hui son innocence.
"J'ai toujours dit que je suis coupable d'avoir pris part à un groupe armé et d'avoir pris position contre un État fasciste, mafieux et voleur. Mais les crimes pour lesquels j'ai été condamné, ils doivent en fournir les preuves", expliquait-il à l'AFP en octobre 2017.
Quand on lui demandait ce qu'il risquait en Italie pour son passé au sein du groupe Prolétaires armés pour le communisme (PAC), il répondait alors: "la torture et l'assassinat".
Après s'être évadé de prison en 1981, il avait fui d'abord au Mexique, puis en France à partir de 1990. Le président socialiste François Mitterrand s'était en effet engagé à n'extrader aucun militant d'extrême gauche renonçant à la lutte armée.
Par ailleurs, la Justice française avait relevé que le condamné n'aurait pas droit en Italie à un nouveau procès où il pourrait présenter sa défense, comme le prévoit le droit français.
Mais le successeur de François Mitterrand, le président de droite Jacques Chirac, n'étant aussi bien disposé, l'Italien avait rejoint clandestinement le Brésil en 2004. Au terme d'un séjour en prison et d'un long processus judiciaire pour l'extrader, le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva avait décidé en 2010 de ne pas livrer le fugitif à l'Italie.
Battisti y vit libre depuis 2011, sur la côte atlantique à Cananeia (sud). Il y a eu un enfant avec une Brésilienne, qu'il a ensuite épousée.
"des années de palabres"
La décision judiciaire de jeudi va dans le sens des promesses électorales du président élu d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui souhaite une extradition.
"Nous montrerons au monde notre engagement dans la lutte contre le terrorisme", avait-il dit en octobre, critiquant un personnage "adoré par la gauche brésilienne".
Cette promesse avait été saluée par le ministre de l'Intérieur et vice-Premier ministre d'extrême droite italien Matteo Salvini.
"Après des années de palabres, je demanderai qu'ils [le futur gouvernement brésilien] nous renvoient en Italie le terroriste rouge Battisti", avait-il écrit sur Twitter, au moment de se réjouir de la victoire électorale de M. Bolsonaro.
L'idée "qu'un condamné à la perpétuité profite de la vie sur les plages du Brésil provoque chez moi un agacement indescriptible", déclarait encore lundi le bouillant ministre Ligue du Nord.
La détention avait été requise par la procureure générale de la République du Brésil, Raquel Dodge, qui a pris ses fonctions en septembre.
Interrogé par l'AFP, l'avocat de Cesare Battisti, Igor San'Anna Tamasauskas, a indiqué qu'il n'avait "pas reçu" de notification de la décision du juge Fux.
En 2004 déjà, l'Italien avait été arrêté par la police française. Pendant ses plusieurs semaines de détention, des intellectuels s'étaient mobilisés pour réclamer la remise en liberté de celui qui bénéficiait dans ce pays d'une aura d'auteur de romans policiers.
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