Très attendu tant les inquiétudes économiques s'accumulent depuis des mois, le président de l'institution Mario Draghi s'est livré à un numéro d'équilibriste: confiant dans les perspectives d'inflation, le banquier italien s'est montré plus pessimiste sur la croissance.
La BCE n'a pas dévié de la ligne tracée en juin et a confirmé qu'elle cesserait à la fin du mois d'acheter de nouveaux titres de dette privée et publique, abandonnant cette arme inédite adoptée en 2015 pour soutenir l'activité et donc les prix.
A l'appui de cette décision, M. Draghi a livré ses premières prévisions d'inflation pour 2021, à 1,8%, soit un niveau conforme à l'objectif "légèrement inférieur à 2%" de la BCE et qui marquerait la réussite de son pari.
Baptisée "QE" (Quantitative easing), cette potion anti-crise a d'ores et déjà évité à la zone euro une crise économique d'ampleur historique, à un moment où elle commençait tout juste à se remettre de la crise de la dette.
'Mauvais timing' ?
En trois ans et demi, l'institut de Francfort aura injecté sur le marché la somme faramineuse de 2.600 milliards d'euros, à un rythme mensuel de 80 milliards d'euros jusqu'en avril 2017, ralenti depuis.
Si audacieux soit-il, ce programme a d'emblée suscité la controverse car il est perçu par ses détracteurs, en Allemagne et dans d'autres pays du nord de l'Europe très rigoristes sur le plan monétaire, comme une manière pour la BCE d'aider indirectement les gouvernements.
Mais à ces critiques classiques s'ajoute désormais la crainte de voir les rachats de dette s'interrompre "dans un mauvais timing", alors que "les perspectives conjoncturelles s'assombrissent en zone euro", souligne Friedrich Heinemann, de l'institut allemand ZEW.
Soucieuse de maintenir des conditions de financement favorables, la BCE a réitéré son engagement de réinvestir ses stocks de dette arrivant à échéance, pour une "période prolongée" après le premier tour de vis monétaire.
Par ailleurs, le conseil des gouverneurs a maintenu comme prévu les taux directeurs à leur plus bas niveau historique, et ce "au moins" jusqu'à l'été 2019.
Certains sur le marché spéculent désormais sur une première hausse n'intervenant qu'en 2020, soit au-delà du mandat du président de la BCE, Mario Draghi, qui prendra fin en octobre 2019.
Flexibilité 'maximale'
Mais malgré le maintien d'un soutien monétaire appuyé à l'économie, il reste à craindre "que la BCE demeure trop optimiste sur sa capacité à atteindre" son objectif d'inflation, observe Marcel Fratzscher, président de l'institut berlinois DIW.
Car derrière la confiance affichée sur les prix, Mario Draghi a dû reconnaître les nombreuses turbulences affectant la conjoncture, allant des "facteurs géopolitiques" au "protectionnisme" croissant en passant par la fébrilité des marchés financiers.
Après "une année 2017 extraordinaire", marquée par une croissance de 2,3% en zone euro, l'institut n'attend plus que 1,9% de hausse du PIB cette année et 1,7% l'an prochain, contre 2,0% et 1,8% lors de ses dernières prévisions de septembre.
Les derniers développements économiques, marqués par une cascade d'indicateurs décevants, suggèrent "une dynamique de croissance plus faible qu'auparavant", a résumé M. Draghi.
Il a par ailleurs souligné que son programme de rachats d'actifs, loin d'être une parenthèse définitivement refermée, faisait "désormais partie de la boîte à outils" de la BCE et pourrait être réactivé si les "circonstances" l'exigent.
"La BCE a coupé le pilotage automatique et revient à une politique monétaire +à vue+. Pour l'instant, elle conserve autant de cartes que possible pour garder une flexibilité maximale", résume Carsten Brzeski, de la banque ING.
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