Quasiment assurée de voir l'accord retoqué par les députés, la cheffe du gouvernement a pris lundi la décision de reporter sine die le vote prévu ce mardi à la Chambre des Communes pour avoir un nouveau round de discussions avec ses homologues européens.
Elle s'entretient dans la matinée avec son homologue néerlandais Mark Rutte à La Haye avant de se rendre à Berlin pour échanger avec la chancelière Angela Merkel.
Theresa May souhaite discuter avec eux des "préoccupations exprimées par le parlement" britannique, a expliqué un porte-parole de Downing Street.
La marge de manœuvre est étroite pour la dirigeante britannique.
Elle est confrontée d'un côté à la fermeté des dirigeants des 27, qui ont répété leur refus de rouvrir les négociations qui avaient abouti fin novembre après 17 mois de discussions âpres et techniques entre Londres et Bruxelles.
De l'autre, elle fait face à l'opposition des députés de la Chambre des Communes qui, dans l'opposition comme dans la majorité, réclament que le texte soit retravaillé, notamment la disposition très controversée du filet de sécurité, ou "backstop" en anglais, qui prévoit un traitement spécifique pour la province d'Irlande du Nord afin d'éviter le retour d'une frontière physique avec la république d'Irlande.
A Bruxelles, le président du Conseil européen Donald Tusk a annoncé la convocation jeudi d'un sommet consacré au Brexit pour répondre aux préoccupations britanniques, au premier jour du conseil européen des 13 et 14 décembre.
"Nous sommes prêts à discuter de la manière de faciliter la ratification britannique", a déclaré Donald Tusk. Mais "nous ne renégocierons pas l'accord, y compris le filet de sécurité", a-t-il prévenu.
"Formulation cosmétique"
Auprès des dirigeants européens, Theresa May "tentera d'obtenir des concessions sur la déclaration politique", plutôt que sur l'accord en lui-même, analyse pour l'AFP Anand Menon, professeur de politique européenne au King's College de Londres.
Texte non contraignant juridiquement, la déclaration politique dessine les contours de la relation future que vont tenter de nouer les deux partenaires après le divorce. Elle a été approuvée par Londres et Bruxelles en même temps que l'accord de retrait, qui, lui, engage ses signataires.
Surtout, "Theresa May ne doit pas se contenter d'obtenir des concessions. Elle doit faire en sorte que l'UE annonce clairement que ce sont les seules concessions possibles, quel que soit le Premier ministre en poste", insiste Anand Menon. "Car aujourd'hui, beaucoup de discussions au parlement n'ont aucun sens, elles viennent de députés qui disent +Je pourrais faire mieux+, mais c'est faux".
Côté européen, le terme de "concession" semblait un peu trop fort pour désigner les aménagements espérés par la dirigeante britannique. "Il faut voir quelles sont les assurances que souhaite Theresa May, si les Brexiters intransigeants seraient satisfaits d'une formulation cosmétique", a commenté auprès de l'AFP une source diplomatique.
Vers un "no deal" ?
Cette nouvelle péripétie complique encore un peu plus le calendrier: après le sommet européen sur le Brexit, jeudi à Bruxelles, le parlement britannique siège pendant trois jours avant de suspendre ses activités du 20 décembre au 7 janvier 2019. Selon les analystes, cette courte fenêtre ne permettra pas d'organiser le vote des députés sur l'accord de retrait, qui devrait donc, à ce stade, être renvoyé en janvier.
Pour Anand Menon, ce retard pourrait "accentuer la pression" sur les députés britanniques quant à leur positionnement par rapport au texte, face au scénario d'un Brexit sans accord, redouté dans les milieux économiques.
"Tant que nous échouons à convenir d'un accord, le risque d'une sortie accidentelle sans accord augmente", a mis en garde Theresa May lundi. Elle a annoncé que son gouvernement, qui a déjà publié des dizaines de notes techniques pour préparer la population à cette éventualité, "prolongera ses travaux sur cette issue potentielle" au cours de la semaine.
Cette préoccupation est partagée par les dirigeants de l'UE. Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar et Donald Tusk se sont mis d'accord lundi pour "intensifier" les préparatifs en vue d'un éventuel "no deal".
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