"Nous ne devons pas succomber à la peur" sur la migration, a exhorté le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avant la proclamation orale de ce texte destiné à renforcer la coopération internationale pour une "migration sûre, ordonnée et régulière", et son adoption formelle par le traditionnel coup de marteau.
M. Guterres a encore dénoncé les "nombreux mensonges" sur ce pacte qui a soulevé de vives critiques de la part des partisans de la fermeture des frontières, jusqu'à faire éclater la coalition gouvernementale en Belgique, avec la démission des ministres issus du parti nationaliste flamand.
Le Pacte sur les migrations doit encore faire l'objet d'un ultime vote de ratification, le 19 décembre à l'Assemblée générale des Nations unies à New York.
A ce titre, la conférence de Marrakech, prévue sur deux jours, devait être une étape purement formelle dans ce processus. Mais, le sujet déchaînant les passions, une quinzaine de pays ont fait part de leur retrait ou du gel de leur décision sur le texte.
Non contraignant
Alors qu'en Europe les partis d'extrême droite et les populistes brandissent le Pacte comme un épouvantail à l'approche des élections européennes de mai 2019, la chancelière allemande Angela Merkel est venue le soutenir en personne, tout comme les chefs de gouvernement espagnol Pedro Sanchez, grec Alexis Tsipras ou belge Charles Michel, ce dernier ayant donc maintenu son déplacement au prix de l'unité de sa coalition.
Non contraignant, le Pacte recense des principes --défense des droits de l'Homme, des enfants, reconnaissance de la souveraineté nationale-- et liste des propositions pour aider les pays à faire face aux migrations --échanges d'information et d'expertises, intégration des migrants etc... Il interdit les détentions arbitraires, n'autorisant les arrestations qu'en dernier recours.
Les défenseurs des droits de l'Homme le trouvent insuffisant, notamment sur l'accès des migrants à l'aide humanitaire et aux services de base ou sur les droits des travailleurs migrants. Ses détracteurs le voient comme un encouragement à un flux migratoire incontrôlé.
"Souffrance" et "chaos"
"La migration sera toujours là, mais dans un monde qui la rend inévitable et nécessaire, elle devrait être gérée correctement, pas de façon irrégulière et dangereuse", a fait valoir Antonio Guterres, en décrivant le Pacte comme "une feuille de route pour éviter la souffrance et le chaos et favoriser une coopération bénéfique pour tous".
Un peu plus de 150 des 193 pays représentés à l'ONU étaient annoncés à Marrakech, une centaine d'entre eux au niveau des chefs d'Etat, chefs de gouvernements ou ministres. A l'ouverture des débats à Marrakech, il était toutefois impossible de connaître les noms des présents et des absents, en l'absence de toute liste officielle.
Huit pays se sont retirés du processus après avoir approuvé le texte le 13 juillet à New York --Autriche, Australie, République tchèque, République dominicaine, Hongrie, Lettonie, Pologne et Slovaquie-- et sept ont souhaité plus de consultations internes --Belgique, Bulgarie, Estonie, Italie, Slovénie et Suisse--, selon Louise Arbour, la représentante spéciale de l'ONU pour les migrations.
Les Etats-unis, qui s'étaient retirés de l'élaboration du texte en décembre 2017 en le jugeant contraire à la politique d'immigration du président Donald Trump, ont lancé vendredi dernier une nouvelle salve contre le Pacte et contre toute forme de "gouvernance mondiale".
Malgré cette opposition, M. Guterres s'est dit confiant sur la suite du processus: "la réponse a été donnée par plus de 150 pays qui sont venus ici, cela permet de mesurer les applaudissements", a-t-il dit au cours d'un bref point de presse.
Le président français Emmanuel Macron a décidé de déléguer le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, alors que le sujet du Pacte suscite l'opposition de la droite, de l'extrême droite mais aussi de certains "gilets jaunes", ces Français qui manifestent depuis trois semaines dans les rues contre la politique fiscale et sociale.
Il y a environ 258 millions de personnes en mobilité et migrants dans le monde, soit 3,4% de la population mondiale. Plus de 80% des déplacements entre les pays se fait de façon légale. Pour la migration clandestine, plus de 60.000 sont morts pendant leur périple depuis 2000, selon les chiffres de l'ONU.
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