Producteur laitier à Vetschau, dans la région très agricole du Brandenbourg, près de Berlin, Heiner Luetke Schwienhorst a été "effaré" par la sécheresse, sans précédent depuis 1911, qui a frappé l'Allemagne cet été.
En raison de températures dépassant les 35 degrés, ses vaches étaient particulièrement stressées, elles qui en temps normal s'accoutument de températures entre -5 et 15 degrés.
Il pointe le doigt en direction de sa grange, anormalement peu garnie: faute d'eau, sa récolte de céréales est de 35% inférieure à celle de l'an dernier et ses pertes de cultures fourragères estimées à 50%. Pour y faire face, il a dû acheter 400 bottes de foin.
Pire: la ferme a été contrainte de faire appel pendant quatre mois à une réserve de foin mobile pour nourrir les vaches durant l'été. Pour M. Schwienhorst, en activité depuis 30 ans, le changement climatique s'est accéléré ces dernières années.
Il a du coup décidé d'agir pour que les responsables politiques en répondent devant les tribunaux. Dans sa ligne de mire: le gouvernement allemand, incapable d'atteindre les objectifs de protection du climat qu'il s'est fixés.
"David contre Goliath" ?
"Pour certains, il s'agit du combat de David contre Goliath. Pour moi, c'est hors sujet", explique à l'AFP M. Schwienhorst.
"L'attitude des représentants politiques, la façon dont ils banalisent les objectifs climatiques en renonçant à ce qu'ils ont fixé, est une chose pour laquelle ils doivent rendre des comptes. C'est important", estime-t-il.
Avec deux autres paysans - un pomiculteur près de Hambourg et un autre éleveur de bétail sur l'île de Pellworm, en mer du Nord - ainsi que l'ONG de défense de l'environnement Greenpeace, M. Schwienhorst a lancé une procédure judiciaire inédite en Allemagne pour demander "une protection climatique et non une compensation monétaire".
Ils accusent le gouvernement d'avoir "abandonné" ses efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES): Berlin s'était engagé à prendre des mesures pour réduire ses émissions en Allemagne de 40% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. Mais dans son dernier rapport publié en juin, le gouvernement a admis qu'il s'attendait maintenant à n'atteindre que 32% de réductions.
Ce déficit de 8 points de pourcentage équivaut à environ 100 millions de tonnes de dioxyde de carbone.
"Il est clair dans le rapport sur la protection du climat que le gouvernement n'a pas l'intention de prendre d'autres mesures pour atteindre l'objectif initial. Au lieu de cela, il a tout simplement abandonné", accuse Anike Peters, de Greenpeace. "Nous disons que nous n'allons pas accepter cela. Parce qu'il ne s'agit pas d'un manque de possibilités techniques pour atteindre l'objectif, mais plutôt d'un manque de volonté politique."
Faire pression
Les plaignants ont déposé leur requête fin octobre au tribunal administratif de Berlin, qui doit encore décider si l'affaire est recevable, avec l'aide d'une avocate, Roda Verheyen.
Dans une autre affaire très médiatisée en Allemagne, cette spécialiste des questions climatiques a contribué avec succès fin 2017 à ce que la justice examine la requête d'un agriculteur péruvien souhaitant contraindre le géant de l'énergie RWE à réparer les effets du changement climatique dans les Andes.
Mais dans le cas des agriculteurs allemands, la question est de savoir si le gouvernement peut être tenu pour responsable de l'absence de mise en oeuvre de mesures contraignantes visant à protéger le climat, étant donné que les objectifs qu'il s'est fixés ne sont pas inscrits dans la loi.
"Ici, les familles plaignantes disent oui. Le gouvernement doit faire ce qu'il a promis", déclare Mme Verheyen.
Pour le ministère de l'Environnement, les plaignants ont tout à fait le droit de porter la question devant les tribunaux "afin d'attirer l'attention du public et de faire pression pour une meilleure protection du climat".
"Bien que les efforts de l'Allemagne en matière de protection du climat aient progressé, ils n'ont pas encore atteint nos objectifs", admet à l'AFP Andreas Kuebler, porte-parole du ministère.
"Nous sommes unis dans le même but", estime-t-il, ajoutant qu'il appartient au tribunal de décider si une action en justice est ou non justifiée.
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