Y aura-t-il une nouvelle escalade, comme chaque week-end depuis trois semaines? Le gouvernement, qui a multiplié les appels au calme, retient son souffle alors que plusieurs figures de cette contestation très diverse ont appelé à défiler pacifiquement.
Partout dans l'Hexagone, des mesures de sécurité exceptionnelles ont été décrétées, notamment à Paris où les scènes de guérilla urbaine du week-end dernier ont stupéfait le pays et à l'étranger. 89.000 membres des forces de l'ordre seront mobilisés, dont 8.000 à Paris, pour éviter de tels débordements.
Signe des tensions, les grands magasins parisiens seront fermés, du jamais vu pour un samedi précédant les fêtes, une période où clients français et touristes affluent habituellement pour faire leurs courses de Noël.
Des spectacles ont été annulés, les matches de foot de Ligue 1 reportés, le programme du Téléthon et le parcours de la marche pour le climat changés...
A Paris, la tour Eiffel, le Louvre seront fermés, tout comme de nombreux commerces et restaurants et 36 stations de métro. 2.000 éléments de mobilier urbain ont été démontés.
Dans un large périmètre autour des Champs-Élysées, les vitrines ont été couvertes de planches de bois. Le tout devrait donner des allures de ville morte à Paris. Les hôpitaux ont prévu des "renforts", et l'État déploiera des "VBRG", ces véhicules blindés à roue de la gendarmerie.
"Laissons Paris aux casseurs"
En région, une interdiction de manifester a été décrétée dans plusieurs points sensibles du Pas-de-Calais tandis qu'à Montauban, 28 cocktails Molotov et trois bombes artisanales ont été saisis sur un rond-point occupé par des "gilets jaunes".
Plusieurs pays européens ont conseillé la prudence à leurs ressortissants, voire à éviter Paris ce week-end comme la Belgique. Les Américains sont eux encouragés à faire "profil bas".
La situation reste tendue trois semaines après le lancement de ce mouvement pour le pouvoir d'achat né de la contestation de l'augmentation de la taxe sur les carburants.
Soucieux d'éviter "des morts et des blessés", des représentants des "gilets jaunes libres", un collectif qui réclame au gouvernement plus de mesures pour aider ceux qui "arrivent de moins en moins à boucler leurs fins de mois", ont appelé à manifester pacifiquement, et pas à Paris pour éviter de se faire assimiler à des "casseurs".
Plus radical, l'un des initiateurs de la contestation, Éric Drouet, qui avait appelé à "rentrer" dans l'Élysée samedi et est à ce titre visé par une enquête, a semblé vendredi jouer l'apaisement en invitant les "gilets jaunes" à finalement "aller sur le périphérique" parisien samedi matin. "Laissons Paris au casseurs !!", a-t-il posté sur Facebook.
Les "gilets jaunes libres", qui se veulent "modérés", ont été reçus pendant une heure et demie vendredi soir à Matignon par Édouard Philippe.
"Le Premier ministre nous a écoutés et promis de porter nos revendications au président de la République. Maintenant nous attendons M. Macron. J'espère qu'il (...) prendra des décisions fortes", a déclaré à la sortie l'un d'eux, Christophe Chalençon.
"Remontées inquiétantes"
Silencieux toute la semaine, Emmanuel Macron ne s'exprimera qu'en "début de semaine prochaine" sur la crise, selon le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand.
L'exécutif craint une alliance entre ultradroite, ultragauche, "gilets jaunes" les plus remontés et jeunes de banlieue, dont certains se sont livrés à des pillages samedi dernier à Paris.
Les concessions du gouvernement, notamment l'annulation de l'augmentation de la taxe sur les carburants, semblent n'avoir eu aucun effet, si ce n'est d'avoir fragilisé le Premier ministre Édouard Philippe qui défendait une simple suspension avant d'être brutalement désavoué par l'Élisée.
Plusieurs responsables de la majorité font état de "remontées inquiétantes". Des proches collaborateurs de M. Macron ont reçu des menaces de mort.
Le gouvernement peut entendre le "désespoir" des "gilets jaunes" et tenter de répondre à leurs revendications, mais il lui sera difficile de trouver une réponse face à la "haine" de certains protestataires, a estimé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Quelque 68% des Français soutiennent la mobilisation des "gilets jaunes", selon un sondage OpinionWay pour LCI publié vendredi, un chiffre stable par rapport à l'enquête de la semaine dernière.
Le gouvernement craint une extension de la contestation à d'autres secteurs, notamment les agriculteurs et l'éducation, où la situation est très tendue avec une flambée de manifestations lycéennes ces derniers jours, marquées par plusieurs blessures de jeunes manifestants victimes de tirs de flashball.
En Haute-Loire, un supermarché employant 130 salariés a fermé ses portes vendredi pour une durée indéterminée, privé d'approvisionnement par un blocage des gilets jaunes.
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