Porte de secours bloquée, matériaux isolants très inflammables… Le gérant et le propriétaire du bar "Cuba Libre", où 14 personnes avaient trouvé la mort dans un incendie en août 2016 à Rouen, seront jugés en correctionnelle pour les nombreux manquements à la réglementation à l'origine du drame, a-t-on appris mardi 4 décembre 2018.
Ces deux hommes, des frères de 47 et 39 ans, sont poursuivis pour "homicides et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence", a précisé Fabien Picchiottino, avocat de plusieurs parties civiles. Le parquet a confirmé mardi que l'ordonnance de renvoi avait été "rendue". La plupart des victimes avaient entre 18 et 25 ans. La plus âgée avait 41 ans.
Un sous-sol non conforme
Il est également reproché aux responsables du bar d'avoir "involontairement causé une incapacité totale de travail inférieure à trois mois" à cinq autres personnes par la même violation. Principales erreurs des deux hommes : ils ont laissé verrouillée l'unique porte de secours du sous-sol où se trouvaient les victimes et ils ont fait aménager sans autorisation cette cave avec des plaques insonorisantes en mousse polyuréthane, hautement inflammable, "non conformes" pour ce type d'établissement. Les murs et les plafonds du sous-sol en étaient recouverts.
L'incendie s'était déclenché dans la nuit du 5 au 6 août 2016, alors qu'une vingtaine de personnes s'était réunie au sous-sol aménagé sans autorisation en boîte de nuit pour fêter les 20 ans d'une jeune fille qui fera partie des victimes. Les flammèches des bougies d'anniversaire de type "feu de bengale" produisant des étincelles avaient touché le plafond de l'escalier très raide et étroit menant à la cave du bar, provoquant un embrasement.
Des fumées toxiques s'étaient répandues instantanément dans le sous-sol de ce petit bar très fréquenté de la rive gauche de Rouen, non loin de la Seine. Treize personnes sont mortes asphyxiées dans le bar. Une quatorzième a succombé quelques jours après le drame.
Évacuation impossible
Les "manquements en matière de sécurité" ont été "nombreux", selon une source proche de l'enquête. Outre l'absence d'issue de secours et l'usage d'isolant très inflammable, les enquêteurs ont relevé l'absence de système d'alarme à incendies et de système de désenfumage ainsi qu'un "escalier particulièrement étroit et inadapté à l'évacuation". La largeur de l'escalier de la cave était ainsi de 55 à 68 cm au lieu des 90 minimum requis, selon la source proche de l'enquête.
"Bien entendu, les propriétaires sont responsables, mais il était de notoriété publique que le bar abritait une piste de danse au sous-sol. La mairie savait-elle ?", a réagi Marc François, avocat de plusieurs autres parties civiles. Sollicité, Akli Ait-Taleb, l'avocat du propriétaire du bar, n'a pas donné suite.
Un an après le drame, quelque 200 personnes s'étaient réunies devant l'établissement, exprimant leur colère en présence du maire, Yvon Robert, accusé de ne pas avoir fait procéder plus tôt à des contrôles de l'établissement. Deux mois après le drame, la ville de Rouen avait décidé la fermeture totale ou partielle d'une dizaine de bars musicaux pour non-respect alarmant des normes de sécurité les plus élémentaires. Et le ministre de l'Intérieur d'alors, Bernard Cazeneuve, avait prôné en octobre 2016 davantage de contrôles dans ces bars de 5e catégorie, au nombre de 200 000 en France.
Avec AFP
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