"C'est un dossier exceptionnel car il regroupe 4.113 personnes et c'est un dossier exceptionnel par les questions posées", a lancé au début de sa plaidoirie l'avocat des plaignants, Me Christophe Lèguevaques, du barreau de Toulouse.
Cette action collective, lancée le 24 octobre 2017, vise à faire reconnaître un "défaut d'information" de la part du fabricant allemand du traitement Merck, dont le siège français est à Lyon. Et aussi un "préjudice d'angoisse" des plaignants, qui réclament chacun une indemnité de 10.000 euros.
"J'accuse Merck de savoir que le changement de formule allait avoir des conséquences néfastes, de faire peu de cas des malades et de privilégier les intérêts financiers de ses actionnaires sur les malades", a plaidé Me Lèguevaques.
L'audience, organisée dans un centre de congrès à Villeurbanne (Rhône) en raison du très grand nombre de requérants, a commencé par une "exception d'incompétence" soulevée par un des avocats de Merck, Me Jacques-Antoine Robert.
Celui-ci a estimé que l'affaire devait être renvoyée devant le tribunal de grande instance, seul habilité à se prononcer sur les préjudices corporels, réfutant le "préjudice moral pur", plaidé par la partie adverse devant le tribunal d'instance.
"Depuis le début, nous disons que le sujet ce n'est pas le médicament mais l'information autour du médicament", a rétorqué Me Lèguevaques.
L'affaire fait par ailleurs l'objet, au pénal, d'une information judiciaire contre X instruite par le pôle santé du TGI de Marseille.
Mise sur le marché au printemps 2017, une nouvelle formule du Levothyrox, prescrit contre l'hypothyroïdie et fabriqué par le laboratoire Merck Serono, filiale du groupe allemand, a été incriminée par quelque 31.000 patients victimes d'effets secondaires (fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, etc.).
Des expertises réclamées
Le laboratoire, qui plaide lundi après-midi et compte réclamer des expertises médicales, affirme qu'un plan de communication "extrêmement large" consistant en l'envoi de "300.000 communications par courrier, fax et mail, auprès de 100.000 professionnels de santé" avait été engagé au moment du lancement en France de la nouvelle formule.
"On ne peut pas globaliser l'approche", a assuré à la presse le directeur juridique de Merck, Florent Bensadoun, ajoutant que ce dossier comportait "beaucoup d'émotion".
Dans la salle, quelque 200 plaignants, en majorité des femmes, assistent à l'audience.
"Tout allait bien entre 1991 et 2017" pour Véronique Caute, 48 ans, patiente venue du Lot-et-Garonne, qui a ressenti avec le Levothyrox nouvelle formule des "maux de tête constants, des crampes, de la forte fatigue", ainsi qu'une rapide prise de poids.
"J'ai besoin qu'on nous reconnaisse comme victimes", a estimé cette conseillère en insertion professionnelle, qui souhaite "aller jusqu'au bout de la procédure".
Le récit de Corinne Lefranc, comptable de 52 ans, est quasi similaire : "une grosse fatigue et de la déprime" subitement au printemps 2017.
Après s'être procuré dans un premier temps l'ancienne formule à l'étranger, Mme Lefranc a changé de médicament, Merck n'étant désormais plus en situation de monopole en France. "Je ne veux plus entendre parler de Merck", a-t-elle dit.
Au total, trois millions de patients prennent ce médicament en France (premier marché mondial) et 2,5 millions de malades utilisent la nouvelle formule, selon Merck.
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