Déstabilisé, le gouvernement peine encore à établir le dialogue avec ce mouvement protéiforme. Vendredi, une réunion à Matignon avec le Premier ministre Edouard Philippe a tourné au fiasco: seuls deux "gilets jaunes" y ont participé et l'un d'eux a rapidement quitté les lieux faute d'avoir obtenu que la rencontre soit diffusée en direct.
Quinze jours après l'acte de naissance des "gilets jaunes", les autorités guetteront donc avec attention l'ampleur de la mobilisation samedi. La première journée nationale, le 17 novembre, avait réuni 282.000 personnes, et la deuxième 106.000 selon les chiffres officiels.
Malgré l'annonce par le chef de l'Etat Emmanuel Macron de prochaines mesures pour répondre à la "colère légitime" des manifestants, le mouvement qui a essaimé hors de tout cadre syndical ou politique montre encore des signes de dynamisme.
La pétition lancée par une des figures des "gilets jaunes" "pour une baisse des prix du carburant" a dépassé le million de signataires et la mobilisation reste soutenue par une grande majorité de Français, selon les sondages.
Nouveaux soutiens
Samedi, l'épicentre de la mobilisation devrait une nouvelle fois se situer sur les Champs-Elysées, qui seront piétonnisés à partir de 6 heures et feront l'objet d'un quadrillage "hermétique", selon le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner: toute personne qui voudra s'y rendre devra se soumettre à un contrôle d'identité et à une fouille.
Par crainte d'incidents, des panneaux de bois ont déjà été apposés vendredi sur certaines vitrines tandis que le mobilier de chantier a été déblayé afin d'éviter qu'il ne serve de projectile.
Le dispositif policier pourrait mobiliser environ 5.000 hommes des forces mobiles dans la capitale, où sont par ailleurs prévus une manifestation de la CGT et un rassemblement contre la hausse des frais pour les étudiants étrangers.
"Nous savons que l'ultra-gauche et l'ultra-droite (...) se mobilisent pour venir une nouvelle fois casser", a affirmé jeudi M. Castaner.
Le 24 novembre, la manifestation parisienne avait pris une tournure violente, avec des jets de pavé auxquels les forces de l'ordre avaient répliqué avec des gaz lacrymogène et des lances à eau. 103 personnes avaient au total été interpellées et plusieurs dizaines ont, depuis, été présentées à la justice.
Les dégâts atteignent "déjà plus d'un million d'euros", a affirmé sur France Bleu Paris Colombe Brossel, adjointe à la maire de Paris en charge de la Sécurité.
Malgré ces incidents, le mouvement continue d'engranger des soutiens très divers.
Trois collectifs de banlieue appellent ainsi à se joindre samedi aux "gilets jaunes" à Paris pour défendre les "quartiers populaires", dont Banlieues respect, créé en 2005 lors des émeutes urbaines, et le comité Adama.
Du côté de l'ultradroite, l'Action française a indiqué à l'AFP attendre au moins 300 sympathisants sur les Champs-Elysées tandis que le groupuscule identitaire "Le Bastion Social" invite ses "adhérents" à se rendre dans la capitale.
Un "rassemblement des artistes" est par ailleurs prévu devant la salle de l'Olympia à 14H00, à l'initiative de l'humoriste Gérald Dahan: "Les braves gens sont en mouvement, pacifiquement", explique-t-il, mais "subissent l'amalgame avec les casseurs, et avec les extrêmes".
Radars "aveuglés"
Ailleurs en France, les "gilets jaunes" invitent leurs soutiens à de nombreuses actions contre les institutions, en murant les centres des impôts ou en "aveuglant" les radars.
Des manifestations et blocages sont également prévus dans plusieurs villes comme à Bordeaux, au péage de Saint-Selve sur l'A62, à la préfecture d'Agen, sur l'île d'Oléron, Toulouse ou encore à Pau.
La colère, initialement tournée contre les prix du carburant avant de s'étendre au pouvoir d'achat, reste particulièrement vive à la Réunion où la ministre des Outre-mer Annick Girardin a dû être exfiltrée par son service d'ordre vendredi tandis qu'à la Ciotat neuf personnes ont été placées en garde à vue après des heurts à un péage.
La grogne s'est étendue au-delà des frontières puisqu'à Bruxelles, deux véhicules de police ont été incendiés vendredi à la fin d'une manifestation d'environ 300 "gilets jaunes", la première du genre organisé dans la capitale belge.
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