Par endroits, les blocs de calcaire sont parfaitement alignés. Ailleurs, ils gisent, épars, colonisés par les nacres, les oursins et les saupes, ces "vaches de mer" qui broutent les posidonies. Visible avec un simple masque et un tuba, l'ancienne jetée du port d'Olbia est là.
"Pour beaucoup de Hyérois, c'est seulement +la piscine+, cette partie de la plage de l'Almanarre où l'eau est toujours plus chaude", sourit Lenaïc Riaudel, archéologue sous-marine, qui fait visiter le site aux scolaires depuis 2009.
Moniteur à l'école de funboard qui surplombe le site, Yves Corlobé ignorait d'ailleurs l'existence de ces vestiges: "Je navigue ici depuis des années, je n'en avais jamais entendu parler", reconnaît-il.
Après avoir enfilé sa combinaison de néoprène et ses palmes, Lenaïc emmène ses visiteurs du jour à la découverte du "sentier archéologique sous-marin d'Olbia".
Avant d'avoir été romaine, cette cité a d'abord été une colonie-forteresse grecque, fondée par des soldats-colons venus de Massalia (Marseille), au IVe siècle avant J.-C. Mais la prise de Marseille par César, en 49 avant J.-C, amorce la romanisation de la région. Au premier siècle, les nouveaux maîtres d'Olbia bâtissent un véritable port, pour accueillir des bateaux plus importants.
"Cette jetée d'une petite centaine de mètres n'a servi que 80 ans", raconte l'archéologue: "Le port a été victime de sa position, exposé plein fer au Mistral, mais surtout de la concurrence de Toulon. Une bonne partie des blocs de pierre ont alors été pillés par les locaux".
Le niveau de la Grande Bleue ayant monté de près d'un mètre en 2.000 ans, tout est noyé aujourd'hui. Quelques centimètres sous l'eau par endroits. Par 3 à 4 mètres de fond maximum. Mais l'histoire est là: comme ces queues d'aronde encore visible sur les blocs, des rainures creusées pour les relier les uns aux autres, après y avoir coulé du plomb. Sur certaines pierres, le métal est d'ailleurs encore là.
Olbia, "la bienheureuse"
Après des centaines de plongées sur le site, Lenaïc Riaudel, 39 ans, en connaît chaque recoin par coeur. Comme elle connaît les noms de tous les poissons de passage, girelles-paon, sars ou daurades.
A quelques mètres de cet ouvrage romain, une épave: celle d'une tartane, coulée par environ 5 m de fond avec sa cargaison de blocs de calcaire, au milieu des posidonies. Sans doute victime d'un coup de Mistral, ce bateau s'est échoué fin XIXe sur le tombolo ouest de la Presque-île de Giens, l'un des deux cordons de grès qui relient Hyères et Giens. Avec ses pierres, il transportait aussi tout un service en porcelaine bleu et blanc du modèle "Flora" fabriqué en 1865 à Creil-Montereau en région parisienne.
Libre d'accès pour tout nageur équipé d'un masque, ce sentier sous-marin peut aussi se visiter accompagné, avec les clubs de plongée locaux. Durant les mois de juillet et août, depuis 2014, il est fléché par trois panneaux sous-marins, installés par Lenaïc et son mari, lui aussi archéologue, à la demande de la Communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée.
Mais Olbia ("la bienheureuse" en grec ancien) est aussi visible à terre. A quelques encablures de la plage, cette cité grecque puis romaine a été habitée pendant près de 1.000 ans, avant d'être abandonnée, à l'époque mérovingienne, quand ses derniers ressortissants se réfugient sur les hauteurs, derrière les remparts de Hyères par exemple. Fortifications, thermes, sacristies, boutiques, maisons d'habitation: la cité oubliée révèle peu à peu ses secrets.
"Il y en a pour des dizaines d'années de travail pour les futurs archéologues", sourit Lenaïc, en évoquant le travail de ses collègues terrestres, une tâche entamée au début du XXe siècle avec la découverte de ce site antique.
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