"À un moment, on ne peut pas gouverner contre le peuple" et il ne faut pas "ajouter des charges aux charges" des Français, a averti vendredi François Bayrou, un allié de poids d'Emmanuel Macron, face à la fermeté du gouvernement envers les "gilets jaunes".
De Buenos Aires où il participe au G20, le président a redit jeudi vouloir répondre à "la colère légitime" et "la souffrance d'une partie du peuple" par "des décisions supplémentaires dans les semaines et les mois à venir", mais qui "ne seront jamais des reculs".
Vendredi matin, les syndicats reçus par le Premier ministre ont demandé à l'exécutif de nouvelles mesures "immédiates" ou du moins "concrètes" pour répondre à la crise des "gilets jaunes", d'une prime transport à la hausse des salaires, en passant par un moratoire sur la taxe carburant. Principale figure présente, le dirigeant de la CFDT Laurent Berger a notamment poussé, comme Force Ouvrière, en faveur d'une prime transport pour les salariés se rendant au travail en voiture.
"On a redit qu'il fallait des mesures concrètes. On ne rentre pas dans un processus (de concertation, ndlr) s'il n'y a pas de marges de manœuvre pour des mesures réelles pour les travailleurs", a affirmé M. Berger à sa sortie de Matignon.
L'incertitude la plus totale règne par ailleurs sur la rencontre annoncée entre le chef du gouvernement et les "gilets jaunes", qui doit constituer le point d'orgue des deux jours de rencontres commencées jeudi matin à Matignon pour dessiner la "grande concertation" locale de trois mois voulue par Emmanuel Macron.
"Le groupe de communicants formé (lundi) n'existant plus du fait du bon accomplissement de son unique mission, à savoir entamer un dialogue avec les membres du gouvernement (...), c'est à titre personnel que tout citoyen +gilets jaunes+ peut aller à la rencontre des membres du gouvernement", explique un communiqué.
Éric Drouet, l'un des deux premiers "gilets jaunes" qui avaient été reçus mardi par le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, ou le Grenoblois Julien Terrier, figurant également parmi les huit porte-parole du mouvement désignés mais contestés, ont déjà annoncé qu'ils ne seraient pas présents.
Dès jeudi après-midi, le Premier ministre a reçu Patrick de Perglas, un "gilet jaune" venu à pied de Chalon-sur-Saône. Très fatigué par une grève de la faim, il a affirmé à plusieurs médias avoir fait passer son message pour le pouvoir d'achat.
M. de Rugy a lui rencontré sept "gilets jaunes", sous l'œil du Parisien. Il lui ont fait part du "mépris" ressenti par une partie de la population qui a du mal à boucler les fins de mois, le ministre rappelant lui les 500 millions d'euros d'aides déjà annoncés.
Un million de signatures
Le mouvement se prépare pour l'acte III samedi, galvanisé par le soutien des deux tiers des Français et une pétition "pour une baisse des prix du carburant à la pompe" qui a dépassé jeudi le million de signatures.
Dans un geste d'apaisement après deux semaines de crise, le gouvernement a annoncé que les Champs-Élysées seront ouverts aux piétons samedi, comme le demandaient les "gilets jaunes". Un filtrage et des fouilles seront "systématiquement" organisées, a précisé vendredi le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, pour éviter les échauffourées qui ont émaillé la précédente journée d'actions du 24 novembre sur l'une des avenues les plus touristiques au monde.
Signe d'une colère qui ne faiblit pas: à la Réunion, paralysée depuis 14 jours par le mouvement, la ministre des Outre-mer a dû être exfiltrée par son service d'ordre lors d'une rencontre vendredi, au lendemain de l'annonce de mesures qui n'ont pas convaincu les manifestants. Dans les Bouches-du-Rhône, neuf personnes ont été placées en garde à vue vendredi après des heurts dans la nuit à un péage de La Ciotat.
La quasi totalité des élus locaux reçus à Matignon jeudi ont réclamé un nouveau "geste" de l'exécutif, et l'idée d'un moratoire à la hausse des taxes fait débat au sein même de la majorité macroniste.
Laurent Wauquiez (Les Républicains) veut un référendum et Marine Le Pen a elle évoqué l'hypothèse d'une dissolution de l'Assemblée. Le chef des insoumis Jean-Luc Mélenchon sera lui sur les Champs-Élysées.
L'ex-président François Hollande a demandé aux "gilets jaunes" de rester mobilisés et rappelé qu'il avait donné "un coup de pouce" au Smic. De Buenos Aires, Emmanuel Macron a ironisé sur ceux "qui sont sans doute plus à l'origine de la situation que nous vivons que le gouvernement qui est aux affaires que depuis 18 mois", raillant le "cynisme" en politique.
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