Sébastien était envahi par des "idées noires" à l'approche de son procès. Par le biais du personnel pénitentiaire, il a fait appel à un codétenu de soutien (CDS) ayant la possibilité de rencontrer ses pairs dans leur cellule.
"Il m'a donné des conseils, il a répondu à mes craintes par rapport à mon jugement, ça m'a rassuré", confie à l'AFP le timide quadragénaire, qui se sent "plus de facilité à se livrer" à un comparse qu'à un surveillant.
L'homme aux cheveux coupés en brosse souligne que le CDS "peut rester assez longtemps pour discuter de tous les problèmes", à la différence des consultations "tous les quinze jours" avec une psychologue qui durent "15 à 30 minutes".
Lancée en 2010, l'expérimentation des codétenus de soutien s'est depuis étendue à treize établissements pénitentiaires, selon le ministère de la justice. A Bourg, le projet a débuté en 2013 et ils sont actuellement dix, âgés de 24 à 61 ans, à intervenir auprès des quelque 650 détenus.
Les CDS sont sélectionnés comme étant de "bons profils" : pas d'incident en détention, stables, la plupart travaillent comme auxiliaire ou aux ateliers.
Formés aux premiers secours et à l'écoute active, les CDS participent régulièrement à des réunions pour signaler les détenus en difficulté, avec la Croix-Rouge, partenaire du dispositif, et l'administration pénitentiaire, qui peuvent ensuite alerter l'unité médicale.
"Notre mission est plus étendue que la prévention du suicide : on intervient quand un détenu a des problèmes familiaux, judiciaires ou bien est en situation d'indigence", explique avec assurance Philippe, CDS depuis plus d'un an.
Le soir de Noël, en 2017, le quinquagénaire avait été appelé par un surveillant pour aider "un détenu en souffrance". "On a partagé un thé et il n'y a pas eu d'alerte", raconte-t-il.
"Dès que la greffière arrive pour des mauvaises nouvelles, on est tout de suite appelé", observe après quelques mois d'activité Michel, CDS gouailleur, qui s'attend à intervenir "encore plus" à l'approche des fêtes de fin d'année.
"Savoir se préserver"
Pour le président territorial de la Croix-Rouge de l'Ain, Jacques Aubry, le rôle essentiel des CDS est celui "d'écoute et d'alerte" mais "ils remontent aussi des éléments indirects qui contribuent au bien-être en détention comme des problèmes au parloir".
Du côté du syndicat UFAP, le dispositif a été accueilli "plutôt froidement". "Ce n'est pas une mauvaise idée mais c'est le rôle de l'agent pénitentiaire et on ne lui laisse pas le temps de le faire", déplore le secrétaire local adjoint, Romain Bernier.
"Si on était moins en sous-effectif et qu'on construisait des structures à taille humaine, on aurait du temps à consacrer (à l'écoute des détenus) au lieu de se décharger de ce rôle-là sur quelqu'un d'autre", ajoute M. Bernier.
Pour Lionel, CDS au quartier d'isolement et auprès des arrivants, son rôle consiste à "mobiliser les ressources de la personne pour qu'elle arrive à cheminer par elle-même".
"Il faut aussi savoir se préserver quand on n'est pas en capacité d'être à l'écoute car nous aussi, on a des fragilités", souligne l'homme à la barbe poivre et sel.
"Il ne faut pas qu'ils portent la responsabilité de ce qui peut se passer et on leur répète qu'ils n'ont pas d'obligation de résultat, qu'on reste sur de l'humain", assure la directrice-adjointe de l'établissement, Marie-Laure Petit.
Si le dispositif prévoit que les CDS peuvent être sollicités pour passer une nuit avec un détenu qui serait au plus mal, à Bourg-en-Bresse, cela n'est arrivé qu'"une seule fois", poursuit-elle.
Si "huit suicides" ont été recensés au centre pénitentaire de Bourg-en-Bresse depuis son ouverture en 2010, il est toutefois "difficile" pour l'administration pénitentiaire de "corréler les chiffres à ce dispositif".
Depuis le 1er janvier, 110 détenus se sont donnés la mort en prison en France.
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