Caen. [DOSSIER] Handicap au travail : le défi de l'insertion en Normandie

Christophe est handicapé par une sclérose en plaques depuis plus d'une décennie. Il se déplace désormais en fauteuil roulant. Il y a quinze ans, ce Caennais (Calvados) se souvient d'un entretien d'embauche, pour un job dans l'industrie automobile. Le poste lui convenait parfaitement. Tout s'était "bien passé". Mais quand la directrice a pris connaissance de sa maladie, il n'a bizarrement jamais eu de nouvelles.

Ali, malentendant, travaille à l'Entreprise adaptée de Cormelles. Cet ancien serveur a longtemps été discriminé par le passé. - Simon Abraham

Ali, lui, travaillait depuis seize ans comme serveur dans un restaurant de Caen, quand il s'est mis à perdre l'audition. "Je n'entendais plus toujours les clients qui m'interpellaient." Son patron l'a viré. Il s'est retrouvé au chômage.

20 % des personnes handicapées sans emploi

En France, le chômage touche deux fois plus les travailleurs handicapés que les personnes valides. Il est de 19 %. "Le handicap est le deuxième frein d'insertion professionnelle après le racisme", explique Martin Frédérik, le directeur de Cap emploi, à Caen, qui intervient en complément de Pôle emploi, pour favoriser l'embauche des personnes handicapées. "Le handicap a une image négative dans la société. Les patrons ont peur", regrette-t-il.

En 2017, il a reçu plus de 1 000 dossiers de demandeurs d'emploi. Des handicapés moteurs, des aveugles ou encore autistes. Seul un sur dix a fini l'année avec un CDI.

Les entreprises adaptées, ici celle de Cormelles-le-Royal, se sont engagées à ce que leurs effectifs soient composés d'au minimum 80 % de salariés en situation de handicap. - Simon Abraham

L'insertion vers l'emploi pour ces personnes est un vrai défi. Que certaines entreprises ont décidé de relever. Ce sont des Entreprises adaptées. Elles se sont engagées à ce que leurs effectifs soient composés d'au minimum 80 % de salariés en situation de handicap. Il existe douze structures dans le Calvados.

Celle de Cormelles-le-Royal, dans l'agglomération de Caen, emploie 160 personnes, dont 136 en situation de handicap. Une entreprise spécialisée dans la sous-traitance de l'industrie automobile ou encore les services à la personne. C'est ici que Christophe et Ali ont retrouvé l'espoir et un travail durable, sans risque d'être discriminés par leur handicap.

Christophe travaille lui aussi à l'Entreprise adaptée de Cormelles. Il fabrique des pièces pour l'industrie automobile, dans un environnement de travail adapté à son handicap. - Simon Abraham

"Un accompagnement socio-professionnel est réalisé", raconte Christophe Cubizolles, le directeur du site. "Des entreprises ont peur de perdre de leur productivité en employant des personnes handicapées. Mais aussi de ne pas savoir les accompagner." C'est contre cette mentalité que se battent les Entreprises adaptées, qui représentent au total plus de 3 000 salariés dans 19 secteurs d'activité en Normandie.

"C'est comme si mon handicap disparaissait"

"C'est différent d'un Esat ou de l'Adapt, qui sont des structures médico-sociales. Ici, je suis un vrai salarié, raconte Philippe, 59 ans, handicapé, chargé d'accueil à l'Entreprise adaptée de Cormelles. Je peux travailler en toute dignité. C'est comme si mon handicap disparaissait." Il espère que les mentalités vont évoluer.

Selon un baromètre de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) publiée le mercredi 21 novembre 2018, 85 % des entreprises de plus de 20 salariés seraient prêtes à embaucher davantage de personnes en situation de handicap.