Initialement, le chef de l'Etat devait seulement détailler la très attendue "Programmation pluriannuelle de l'énergie" (PPE), qui doit fixer dans la loi la politique énergétique française d'ici 2028. Et dessiner la marche à suivre d'ici 2035, notamment le nombre de réacteurs nucléaires qui seront fermés pour ramener à 50% la part de l'atome dans l'électricité en France.
Mais après 10 jours d'un mouvement inédit et protéiforme des "gilets jaunes" contre la hausse des taxes sur le carburant et le manque de pouvoir d'achat, le président de la République et son Premier ministre Edouard Philippe ont pu mesurer l'inflammabilité de la problématique: comment concilier une politique environnementale ambitieuse, tout en évitant des révoltes sociales, notamment chez les plus pauvres et les plus dépendants de la voiture?
"Discours de sortie de crise"
"C'était un discours PPE, ça devient un discours de sortie de crise des +gilets jaunes+", résume un membre de la majorité.
Ce discours "fixera le cap de la transition énergétique et définira la méthode de construction d'un pacte de la conversion écologique en France", a affirmé l'Elysée. Avant son intervention, Emmanuel Macron a installé un "Haut Conseil pour le Climat" d'une douzaine d'experts, taxé par avance de superflu par l'opposition et des ONG.
Les mesures déjà annoncées par Edouard Philippe (renforcement des primes pour changer de voitures, extension du chèque énergie aidant les foyers modestes à payer leurs factures...) n'ont pas empêché un mouvement conçu au départ pour la seule journée du 17 novembre de perdurer, même s'il montre des signes d'essoufflement et de radicalisation.
Si huit porte-parole ont été désignés lundi, leur représentativité fait débat au sein même du mouvement, et le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a précisé mardi que celui-ci ne les recevrait pas "en l'état actuel des discussions".
Évoquant des "revendications qui ne sont pas structurées, ou alors vraiment très dispersées, très vastes, parfois incohérentes", le chef de file des sénateurs LREM, François Patriat, a par ailleurs fait valoir que "toute baisse de taxe doit se traduire aussi par toute forme d'économie".
"Il faut que la rivière revienne dans son lit. Le président veut montrer qu'il entend", souligne un proche du président. "Nul ne peut présider ou gouverner s'il n'entend pas", a dit le chef de l'Etat lundi lors du Conseil des ministres, selon un participant.
L'Elysée avait donné un signe d'inflexion la semaine dernière en évoquant de nouvelles mesures et des négociations sur tout le territoire. Le flou demeure depuis.
Moratoire ?
Selon des sources gouvernementales concordantes, une concertation d'environ trois mois, menée au niveau local, devrait être annoncée.
"Sans doute le bon échelon pour commencer, c'est le territoire car c'est là que sont ancrés les gilets jaunes", a souligné M. Griveaux.
Un geste financier d'ampleur sur les carburants, comme un moratoire sur la hausse des taxes prévue au 1er janvier, est réclamé par une partie de l'opposition mais aussi quelques voix dans la majorité. S'y sont joints mardi 12 présidents de région, de droite comme de gauche, qui ont demandé des "mesures d'urgence", dans une tribune publiée par L'Opinion.
Le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a lancé un signal fort en votant le gel de la hausse de la taxe sur les carburants, même si la mesure sera sans doute annulée par l'Assemblée nationale à majorité présidentielle.
La crise politique déclenchée par les "gilets jaunes" risque d'éclipser des annonces majeures préparées par l'exécutif depuis des mois sur la politique énergétique, notamment sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
Selon les scénarios d'arbitrage révélés par l'AFP, le gouvernement va annoncer entre zéro et six fermetures de réacteurs d'ici 2028, en plus des deux de Fessenheim. Selon une source proche du dossier, l'exécutif s'orientait ces derniers jours vers une décision intermédiaire de 2 à 4 fermetures.
L'investissement dans les énergies renouvelables devrait lui augmenter de plusieurs milliards d'euros par an.
Le ministre de la Transition écologique François de Rugy fera "une présentation détaillée de la PPE" à la mi-journée au ministère.
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