Quand la réforme de la Coupe Davis se préparait, ses avocats expliquaient qu'elle reposait sur deux piliers : regagner l'adhésion des meilleurs joueurs, qui ont tendance à s'en détourner une fois la compétition inscrite à leur palmarès, et alléger un calendrier très chargé.
Mais à peine plus de trois mois après son adoption par la Fédération internationale de tennis (ITF), ses fondations sont déjà fragilisées.
La participation des meilleurs joueurs est ainsi loin d'être assurée.
Novak Djokovic ? "Pas sûr", répondait le N.1 mondial début octobre à Shanghaï. Roger Federer ? "J'en doute fortement", lâchait le Suisse aux vingt couronnes en Grand Chelem à la même époque. Rafael Nadal ? Oui, à en croire le footballeur espagnol Gerard Piqué ("s'il n'est pas blessé, il sera là"), qui préside le fonds d'investissement Kosmos porteur du projet en partenariat avec l'ITF. A condition - et elle n'est pas mince - que le Majorquin soit en mesure de jouer à ce stade de la saison, lui qui a fini les deux dernières sur les rotules.
La date critiquée
Ces doutes ont suffi pour faire évoluer ces dernières semaines le discours de l'ITF en direction de la nouvelle génération.
Son principal visage, Alexander Zverev, en sera-t-il alors ? Non, définitivement. "Parce qu'en novembre, je ne veux plus jouer au tennis", lançait le jeune Allemand, N.4 mondial et victorieux depuis au Masters du trophée le plus prestigieux de sa carrière, à 21 ans.
Et c'est là le principal reproche adressé par les joueurs à l'ITF : la date retenue, fin novembre sauf rebondissement, à Madrid. Soit à la même période que l'actuelle finale de la Coupe Davis. Sauf qu'au lieu de ne mobiliser qu'une dizaine de joueurs, le nouveau format, une semaine de compétition réunissant dix-huit nations, fera jouer les prolongations à beaucoup plus au bout d'une saison éprouvante.
"J'ai le sentiment que la date de la Coupe Davis est vraiment mauvaise, notamment pour les meilleurs joueurs", souligne Djokovic.
Et la présentation en grande pompe la semaine dernière de l'ATP Cup, mouture revisitée de la "World Team Cup" abandonnée après 2012, et relancée à partir de janvier 2020 en Australie en ouverture de la saison, a bouché encore un peu plus l'horizon de l'ITF. Se profile ainsi la perspective à horizon fin 2019-début 2020 de deux compétitions par équipes au format comparable à seulement six semaines d'intervalle.
"Pas la Coupe Davis"
D'autant plus périlleux que l'ATP, qui a mis sur la table un attirant pactole de dollars (15 millions) et de points (jusqu'à 750), peut elle compter sur le soutien très visible de Djokovic, Federer et consorts.
Côté ITF, dans ce contexte délicat, on joue l'apaisement et la pédagogie.
Son président David Haggerty a répété jeudi depuis Lille que son organisation était "ouverte à la discussion", notamment pour un éventuel changement de positionnement dans le calendrier, qu'elle ne se l'était pas autorisée "unilatéralement" et préférait le faire en concertation "avec le monde du tennis" le cas échéant.
Il a ajouté que l'ATP pourrait même "être impliqué" dans la Coupe Davis 2.0, d'une manière "à déterminer", sans toutefois en dire davantage, les discussions étant "en cours". Et insisté sur le fait que c'était "l'argent pour développer la prochaine génération de joueurs qui était au coeur de cette réforme".
"Beaucoup de joueurs soutiennent la Coupe Davis, certains ne veulent peut-être pas la jouer, mais on est confiant", a affirmé Haggerty.
Du côté des joueurs français, on sent du flottement. "Ce n'est pas serein, pas bien clair, pas encore bien mis en place", estime Jo-Wilfried Tsonga.
Pierre-Hugues Herbert, comme beaucoup de joueurs tricolores, n'y voit plus l'essence de la Coupe Davis. "J'ai le sentiment de jouer la dernière. Ce qui fait cette compétition, ce sont les rencontres à domicile, à l'extérieur, avec des ambiances un peu folles. Retrouver ça à Madrid, je n'y crois pas. Ca va peut-être être une énorme réussite mais ce ne sera pas la Coupe Davis."
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