A 42 ans, dont dix passés sur un lit d'hôpital après un accident de voiture en 2008, Vincent Lambert est bel et bien dans "un état végétatif chronique irréversible", écrivent ces trois experts dans leur rapport datant du 18 novembre et dont l'AFP a obtenu copie mercredi soir.
Nommés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ils étaient chargés de se prononcer sur l'état du patient et son évolution depuis 2014, date de la dernière expertise officielle. Un préalable requis avant l'éventuel déclenchement d'une procédure d'arrêt des soins, demandée depuis le 9 avril par le CHU de Reims où le patient est hospitalisé.
"Vincent Lambert est dans un état d'incapacité fonctionelle psycho-motrice totale en 2018 comparable cliniquement à celui enregistré en 2014", ont-ils tranché, en ajoutant que "des éléments minimes d'aggravation ont été enregistrés".
Ce père de famille, ancien infirmier psychiatrique, a été examiné à deux reprises, à 16 heures d'intervalle, le 7 septembre au soir et lendemain matin, en présence des médecins conseils des différentes parties, qui se déchirent sur le sort du patient.
Car au coeur de ce drame familial se joue une guerre de tranchées entre les proches de Vincent Lambert, chacun restant campé sur ses positions depuis la première tentative, avortée, d'arrêt des soins, en 2013.
Cette expertise avait été demandée par les parents Lambert, catholiques proches des milieux intégristes, et une partie de sa fratrie, qui considèrent que Vincent est "handicapé" mais a fait "des progrès".
Sa "situation d'impotence fonctionnelle totale du fait des lésions encéphaliques irréversibles" lui interdit "toute qualité de vie" et ne rend "plus d'accès possible à la conscience", relèvent toutefois les experts.
Leur rapport, qui fait transparaître la ligne de crête sur laquelle il repose depuis une décennie, note que "la limitation extrême ou totale de ses capacités d'accès à la conscience, de communication, de motricité, d'expression de sa personnalité, l'altération irréversible de son image lui portent atteinte à un point qui n'est pas acceptable par lui-même et par son épouse et tutrice".
Rachel Lambert se bat pour faire respecter la volonté de son mari qui, selon elle, n'aurait pas voulu d'acharnement thérapeutique, même s'il n'a jamais couché cette volonté sur le papier.
Aucune obstination déraisonnable
"Ce n'est pas une surprise qu'il n'aille pas mieux, le débat ne porte pas sur son état médical, il n'y a pas de doute là-dessus", a réagi mercredi soir auprès de l'AFP François Lambert, son neveu, également favorable à l'arrêt des soins.
Mais, sur certains points, les experts sont plus nuancés: ils avancent que la prise en charge du patient à travers ses "besoins fondamentaux primaires ne relève pas de l'acharnement thérapeutique ou d'une obstination déraisonnable", élément-clé de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie.
A leurs yeux aussi, la condition médicale de Vincent Lambert "n'appelle aucune mesure d'urgence" et "il existe en France des structures pouvant l'accueillir jusqu'à sa disparition si le maintien au CHU de Reims s'avérait impossible pour des raisons autres que relevant de la simple technique médicale".
"Nous rejoignons l'avis des experts quant à la nécessité de transférer enfin Vincent dans un établissement spécialisé" pour qu'il ait "accès aux meilleurs soins", a déclaré à l'AFP Me Jean Paillot, l'un des avocats des parents du patient en livrant sa propre analyse du rapport. Cette requête a toutefois déjà été rejetée par la justice.
Ce rapport pourrait ouvrir la voie à une nouvelle ère dans la bataille judiciaire concernant Vincent Lambert, dont le sort est depuis cinq ans noyé sous les recours juridiques et phagocyté par le débat sur la fin de vie.
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