"Avec ce que le gouvernement italien a mis sur la table, nous voyons un risque que le pays s'enfonce aveuglément dans l'instabilité (...) L'ouverture d'une +procédure de déficit excessif+ fondée sur la dette est justifiée", a annoncé le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis.
Une telle procédure peut aboutir, à terme, à des sanctions financières contre l'Italie.
"La lettre de l'UE est arrivée ? J'attends aussi celle du Père Noël", a ironisé le vice-Premier ministre Matteo Salvini, leader de la Ligue (extrême droite) l'un des deux partis de la coalition avec le Mouvement 5 étoiles (M5S). "Nous répondrons à l'UE poliment", a-t-il ajouté.
L'annonce de la Commission est loin d'être une surprise, Bruxelles ayant déjà rejeté fin octobre le projet de budget expansionniste de l'Italie, une première dans l'histoire de l'institution. Mais l'Italie a refusé de revoir sa copie, se lançant dans un bras de fer inédit avec l'UE.
"Dans une situation d'endettement très élevé, l'Italie prévoit essentiellement d'importants emprunts supplémentaires au lieu de la prudence budgétaire requise", a relevé mercredi M. Dombrovskis.
La Commission a publié mercredi un rapport détaillé dans lequel elle estime que le budget de Rome ne lui permettra pas de réduire cette énorme dette, qui s'élève à 130% du PIB.
Elle y souligne notamment que le gouvernement italien "prévoit d'opérer une marche arrière importante sur les réformes structurelles propices à la croissance, en particulier les réformes mises en œuvre par le passé en matière de retraites".
Irréaliste
Cette publication constitue une première étape nécessaire vers le lancement d'une "procédure de déficit excessif", qui pourrait être effective en décembre ou janvier au terme d'un processus complexe nécessitant l'approbation des autres Etats membres.
Si une telle procédure était effectivement lancée et que l'Italie refusait toujours de modifier son budget, des sanctions financières correspondant à 0,2% de son PIB, soit quelque 3,4 milliards d'euros, pourraient en théorie être prononcées l'été prochain.
Mais aux yeux des analystes, de telles sanctions restent assez hypothétiques et seules de fortes tensions sur les marchés financiers pourraient amener le gouvernement italien à revoir son budget.
La Commission se tient sur une ligne de crête avec l'Italie, à qui elle doit montrer sa fermeté, tout en évitant de trop agiter les marchés, de peur que les inquiétudes ne se propagent à l'ensemble de la zone euro.
"La crise nous a appris que dans une union économique et monétaire, la responsabilité de mener une politique saine et responsable ne s'arrête pas aux frontières nationales", a rappelé mardi Mario Centeno, le président de l'Eurogroupe, l'organe informel qui réunit les ministres des Finances de la zone euro.
Le gouvernement italien prévoit un déficit public à 2,4% du PIB en 2019, puis 2,1% en 2020, des prévisions jugées irréalistes par la Commission: pour elle, le déficit atteindra 2,9% du PIB en 2019, puis 3,1% en 2020. Bien loin des engagements du précédent gouvernement de centre gauche.
"Je suis inquiet"
Des désaccords existent également sur le taux de croissance 2019, le gouvernement italien tablant sur 1,5%, tandis que l'Institut italien des statistiques (Istat) prévoit 1,3% et la Commission 1,2%.
Les inquiétudes autour du budget ont de nouveau affecté les marchés mardi. La Bourse de Milan a fini en recul de 1,87% tandis que le spread, le très surveillé écart entre les taux italien et allemand, a atteint dans la journée jusqu'à 336 points, pic qui n'avait plus été vu depuis avril 2013. Mercredi à l'ouverture, il se repliait à 318 points.
"Evidemment, je suis inquiet" d'un tel niveau de spread, a déclaré mardi le ministre de l'Economie, Giovanni Tria, sans néanmoins évoquer une éventuelle modification du budget.
Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, doit dîner samedi soir à Bruxelles avec le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte.
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