"Mon ambition est simple: je souhaite que les Français se sentent protégés, écoutés, pris en considération par l'ensemble de notre système judiciaire", a expliqué la garde des Sceaux Nicole Belloubet en donnant le coup d'envoi des débats, prévus pour durer toute la semaine, avec une soixantaine d'articles et plus de 1.500 amendements au menu.
La ministre a expliqué avoir voulu construire une réforme "globale et concrète" en s'appuyant "sur des propositions de terrain" et pas sur des "considérations exclusivement idéologiques".
La justice doit bénéficier "des moyens nécessaires, pour rattraper un retard évident", a-t-elle dit.
Le premier article du texte fixe l'évolution du budget de la justice sur les cinq ans du quinquennat dans le cadre d'une loi de programmation: De 2017 à 2022, il aura progressé de 6,7 à 8,3 milliards, soit 24% d'augmentation.
Ces moyens supplémentaires permettront la création de plus de 6.500 emplois (1.100 en 2018), la livraison de 7.000 nouvelles places de prison, le lancement de 8.000 autres et la création de 20 centres éducatifs fermés pour mineurs.
La réforme elle-même s'articule autour de différents axes: notamment simplifier les procédures civiles comme celle du divorce et rendre la procédure pénale plus efficace en donnant de nouveaux outils aux enquêteurs et en protégeant mieux les victimes.
Il s'agit aussi de revoir l'organisation judiciaire avec la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance et la numérisation des procédures, diversifier la prise en charge des mineurs délinquants et enfin alléger la charge des juridictions administratives.
Parmi les autres mesures phares figurent la création d'un parquet national antiterroriste et d'un nouveau tribunal criminel.
"justice clochardisée"
Les élus LREM ont indiqué lundi ne pas exclure d'autres évolutions du projet de loi dans l'hémicycle sur les conditions de détention ou les amendes forfaitaires.
Mais le texte reste mal accepté par les magistrats et avocats qui critiquent un projet "purement gestionnaire" et prônent une justice plus "humaine et accessible".
Certains redoutent des fermetures de sites, d'autres mettent en balance la dématérialisation des procédures et les risques de fracture numérique, d'autres encore dénoncent un recul de la présence et du contrôle des juges. Le conseil national des Barreaux (CNB) a appelé lundi à une journée "justice morte" le 22 novembre.
L'association Observatoire international des prisons (OIP) a quant à elle demandé aux députés à modifier en profondeur le texte "afin qu'il soit à la hauteur de la crise pénale et pénitentiaire actuelle".
Au 1er octobre, on dénombrait 70.714 détenus avec une densité carcérale de 118% (1.353 détenus dormant sur un matelas posé à même le sol).
Les oppositions ont également critiqué le projet de loi. Plusieurs groupes (LR, PCF, PS) ont déposé des motions de rejet préalable du texte ou de renvoi en commission qui ont été rejetées.
"On ne peut que partager votre constat sur une justice malade, sinistrée, clochardisée mais je doute que votre réforme soit de nature à améliorer la situation", a lancé Philippe Gosselin (LR).
"Avoir ramené la promesse d'Emmanuel Macron de construire 15.000 places de prison à 7.000 places relève de l'escroquerie. Il en faudrait 11.000 pour seulement garder la tête hors de l'eau", a-t-il dit.
"Votre texte manque totalement d'ambition", a approuvé l'insoumis Alexis Corbière, mais en appelant lui à "sortir du tout carcéral".
"Votre projet nous propose une justice désincarnée, déterritorialisée et virtualisée", a dénoncé de son côté le communiste Sébastien Jumel qui redoute des fermetures de sites.
"Faute de volonté politique de doter la justice de moyens suffisants", vous multipliez "les occasions de s'en passer", a-t-il ajouté.
"Ce projet présente des risques significatifs concernant la qualité de la justice et l'égalité des droits", a jugé pour sa part la socialiste Marietta Karamanli.
"Nous maintiendrons les hommes, les lieux et les compétences", a promis Mme Belloubet assurant ne pas méconnaître non plus la question de la fracture numérique: "Pour nous, le numérique ne vient pas se substituer mais s'ajouter à l'accueil physique", a-t-elle dit.
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