Les gilets sans manche fluos envahiront-ils les routes? Les stations essence, les péages, les supermarchés seront-ils bloqués, les banques et les transports en commun boycottés ? Sera-t-il impossible d'accéder aux villes et aux axes routiers ?
Paralyser le pays en empêchant toute dépense, c'est le moyen de pression envisagé par les gilets jaune.
A l'initiative de la grogne, des membres de la société civile qui se sont mobilisés contre la hausse du prix des carburants avant que les motifs de grief ne s'élargissent à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement en matière de taxation et à la baisse du pouvoir d'achat.
Au 1er janvier 2019, les taxes sur le gazole doivent augmenter de 6,5 centimes d'euro par litre et celles sur l'essence de 2,9 centimes.
Ce "ras-le-bol général du peuple" - comme l'expliquait jeudi Kévin Dujardin, "un Gaulois de Calais" de 27 ans - "c'est un mouvement apolitique, asyndical (...) Si des politiques viennent, on les boycotte. Vous venez avec des drapeaux syndicaux ? On les brûle sur place".
Jacline Mouraud, Priscillia Ludosky, Tristan Lozach ou Thierry Marre: ces parfaits inconnus, il y a peu, ont utilisé la force de frappe des réseaux sociaux pour fédérer les mécontentements.
Et leur pari semble jusqu'ici avoir fonctionné: d'après un sondage Odoxa réalisé cette semaine pour France Info et le Figaro, les trois-quarts des Français soutiennent le mouvement et 15% projettent d'y participer.
600 villes touchées
Déconcerté par ce mouvement de défiance citoyenne spontanée dont il ne connaît pas encore l'étendue, l'exécutif a tenté mercredi d'enrayer la mobilisation avec des mesures.
Inflexible sur la taxe carbone - et notamment sur les carburants - Edouard Philippe a proposé la mise en place d'une surprime (pouvant aller jusqu'à 4.000 euros) à la conversion pour les foyers modestes ou les gros rouleurs, l'élargissement du chèque énergie, un dispositif d'aide pour les dépenses d'électricité et de gaz.
Ces annonces n'ont pas permis de renverser la vapeur : environ 1.500 actions sont attendues, sur le territoire, dont seules une centaine auraient été déclarées, selon une source policière.
Le Nord-Pas-de-Calais et l'Alsace sont les deux régions où la mobilisation devrait être la plus forte, d'après une autre source policière, qui précise que plus de 600 villes seront touchées.
"Ce qui est difficile, c'est qu'on n'a pas une organisation syndicale - qui a l'habitude de faire une manifestation - qui l'organise" : dès mardi, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner s'inquiétait de la difficulté d'encadrer ce mouvement qui s'est développé en dehors de tout cadre.
"C'est paradoxal, on a les renseignements puisque tout est sur les réseaux sociaux, mais on ne connaît pas la mobilisation, on ne sait pas combien de personnes répondront aux appels", a expliqué un haut fonctionnaire de Beauvau.
"Bloquer un pays" n'est "évidemment pas acceptable", a prévenu vendredi le Premier ministre, qui sera à Matignon toute la journée de samedi, d'où il suivra la mobilisation, selon son entourage.
A Beauvau, on se veut rassurant: "on sera attentif au risque de blocage, au risque d'infiltration. Nous abordons cette journée de manière très sereine et très concentrée", a déclaré Laurent Nuñez, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur.
L'exécutif n'a cessé de mettre en garde contre la récupération politique.
Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, le chef de file de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon et le président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan seront aux côtés des manifestants, comme certains élus RN, mais pas leur présidente Marine Le Pen.
A l'inverse, la gauche et les Verts se retrouvent dans une position délicate entre défense du pouvoir d'achat et transition écologique.
Cinq ans après les bonnets rouges qui ont obtenu en quelques semaines le retrait de l'écotaxe, un impôt écologique sur les poids lourds, certains gilets jaunes promettent d'ores et déjà plusieurs jours de mobilisation.
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