La remise en liberté de l'islamologue suisse de 56 ans reste cependant soumise au versement préalable d'une caution de 300.000 euros, selon l'arrêt de la chambre de l'instruction rapporté par son avocat Emmanuel Marsigny.
Une fois libéré de la prison de Fresnes où il est détenu, Tariq Ramadan, qui devra remettre son passeport suisse, aura interdiction de quitter le territoire, d'entrer en contact avec les plaignantes et certains témoins. Il devra aussi pointer une fois par semaine au commissariat.
Figure longtemps influente et controversée de l'islam francophone, le professeur Ramadan avait été mis en examen et incarcéré le 2 février pour le viol de deux femmes, Henda Ayari et celle que les médias surnomment "Christelle", dont les plaintes successives ont lancé l'affaire à l'automne 2017.
Toutes deux affirment avoir subi un rapport sexuel d'une extrême violence, en 2012 à Paris pour la première et en 2009 à Lyon pour l'autre.
"J'irais fuir où ? Alors que tout va vers mon innocence. (...) Je vais rester en France et défendre mon honneur et mon innocence", a-t-il déclaré à l'audience, sous le regard de sa fille et d'une dizaine de ses partisans, vêtus de T-shirt "Free Tariq Ramadan".
La chambre de l'instruction avait en effet accepté, à la demande de la défense, de ne pas ordonner le huis clos, pourtant quasi systématique à Paris en matière de détention, offrant à l'intellectuel sa première apparition en public depuis son incarcération.
Vêtu d'une polaire rouge, lunettes, barbe légère, Tariq Ramadan a saisi cette occasion pour plaider lui-même son innocence pendant une vingtaine de minutes, énergique et volubile, debout dans le box, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Je viens de passer dix mois en prison, je suis innocent, je le paye de ma santé, je ne peux plus marcher normalement", a défendu M. Ramadan, atteint d'une sclérose en plaques dont le traitement a été jugé compatible avec la détention.
"Une bêtise"
Cette demande de mise en liberté, la quatrième, avait été rejetée la semaine dernière par les juges qui craignaient notamment des pressions sur les plaignantes, argument à nouveau invoqué jeudi par le parquet général.
Elle avait été déposée dans la foulée d'une audition, fin octobre, où M. Ramadan avait finalement admis des relations sexuelles "consenties" avec ses accusatrices. Après un an de totales dénégations, la révélation d'échanges par SMS sans ambiguïté l'avait contraint à changer de version.
"Je n'ai jamais violé, je ne suis pas un violeur. C'est vrai que j'ai commis une erreur, j'ai pensé à protéger ma famille. C'était une erreur et une bêtise de ma part que ce mensonge", s'est-il justifié.
"Mais qui a menti le plus ? Qui a instrumentalisé le mouvement #MeToo ?", s'est défendu M. Ramadan, reprochant à ses accusatrices de "se répandre dans les médias".
"Je voudrais que vous décidiez en votre âme, en conscience, non pas parce que je m'appelle Tariq Ramadan et qu'on m'a diabolisé dans ce pays", a-t-il lancé aux juges.
A tour de rôle, les avocats de la défense et des deux plaignantes s'étaient auparavant renvoyés les accusations de menaces sur les protagonistes du dossier et leur entourage.
"Ces deux femmes sont régulièrement menacées, injuriées. M. Ramadan prend en otage sa communauté", s'était indigné Me Francis Szpiner, avocat de Henda Ayari.
"La remise en liberté de Tariq Ramadan est logique au regard des derniers développements du dossier qui démontrent que les accusations de viols s'effondrent", s'est félicité Me Marsigny jeudi soir auprès de l'AFP.
Pour l'avocat de "Christelle", "l'audience ayant été publique, tout le monde a pu entendre que la cour n'allait pas se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence, mais sur la question de savoir si les conditions de son maintien en détention étaient toujours remplies".
"Il est évident que les aveux de M. Ramadan après neuf mois de mensonges ont joué dans cette décision", a ajouté Me Éric Morain. "Pour +Christelle+, le combat continue".
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