Le "mobile politique sous-jacent à ses arrestations représentait un +aspect fondamental+ de l'affaire", deux de ces arrestations visant "en réalité à étouffer le pluralisme politique", a estimé la Cour, bras juridique du Conseil de l'Europe à Strasbourg.
Le président de la Grande chambre, instance suprême de la CEDH, a lu cette décision en présence de l'opposant russe, finalement autorisé par Moscou à se rendre à Strasbourg.
"Je suis très content, même très heureux", a réagi Alexeï Navalny, 42 ans, qui a serré dans ses bras ses avocats à l'issue de la lecture de l'arrêt. En première instance, les juges de la CEDH n'avaient pas reconnu le caractère politique des arrestations.
"Je suis très satisfait et cette décision a une signification énorme non seulement pour moi mais pour de très nombreuses autres personnes en Russie qui subissent de telles arrestations tous les jours", a dit l'opposant russe devant la presse, à sa sortie de la Grande chambre.
Ni la Russie, ni Alexeï Navalny, qui - fait rare - avaient tous deux fait appel de la décision de première instance, ne peuvent plus contester en justice cette décision, définitive.
La Cour a conclu également à la violation de l'article 11 de la Convention sur le droit à la liberté de réunion et d'association, "au motif que deux des arrestations étaient dépourvues de buts légitimes et que les cinq autres n'étaient pas nécessaires dans une société démocratique".
Elle a "également recommandé (...) que le gouvernement prenne des mesures afin de garantir le droit à la liberté de réunion pacifique en Russie".
En conséquence, la Russie a été condamnée à verser 50.000 euros pour dommage moral à Alexeï Navalny, 1.025 euros pour dommage matériel et 12.653 euros pour frais et dépens.
Harcèlement
Alexeï Navalny s'attend que la Russie n'applique pas cet arrêt. "Elle va ignorer cette décision et dire que la justice européenne a des motivations politiques (...), c'est la réaction standard du gouvernement russe", a-t-il estimé.
Alexeï Navalny entendait quitter Moscou mardi pour rejoindre Strasbourg via Francfort mais en avait été empêché par le service fédéral russe des huissiers de justice qui a le pouvoir d'appliquer des interdictions de sortie du territoire.
Après s'être acquitté du paiement d'une amende de 2,1 millions de roubles (27.400 euros) que lui réclamait ce service, l'avocat de 42 ans a finalement pu quitter la Russie mercredi.
L'opposant s'était déjà présenté à l'audience de la CEDH, le 24 janvier, dénonçant le harcèlement des autorités russes à son égard.
Statuant en première instance, la CEDH avait condamné en février 2017 la Russie pour violation de ses droits à la "liberté", à "la liberté de réunion" et "à un procès équitable", protégés par la Convention européenne des droits de l'Homme. Mais la Cour n'avait alors pas reconnu les "motivations politiques" dénoncées par Navalny.
Le militant anticorruption a été arrêté à sept reprises par la police russe entre 2012 et 2014, en marge de rassemblements politiques contre le gouvernement.
À chaque fois, il a été conduit dans un poste de police, gardé pendant plusieurs heures et inculpé d'une infraction administrative pour "violation de la procédure établie de conduite des événements dans un lieu public" ou pour "désobéissance à une sommation légale de la police".
Selon la CEDH, toutes les inculpations ont conduit à un procès, à l'issue duquel il a été reconnu coupable d'une infraction. A cinq reprises, il a été condamné à une amende de 1.000 à 30.000 roubles (13 à 395 euros) et à deux reprises à des détentions administratives de 7 et 15 jours.
Frappé d'inéligibilité pour la présidentielle russe du 18 mars 2018, l'opposant avait appelé au boycott de ce scrutin remporté par Vladimir Poutine avec plus de 76% des voix.
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