"Le peuple peut se sentir fier d'avoir bâti une Constitution!", s'est réjoui à la télévision Homero Acosta, secrétaire du Conseil d'Etat et un des principaux artisans du projet.
Les chiffres qu'il a dévoilés sont impressionnants: 7,4 millions de Cubains (sur 11 millions d'habitants) ont participé à 110.000 débats, organisés par quartier, centre de travail, université...
Mais "il y a eu beaucoup de passivité", note l'avocat constitutionnaliste Julio Antonio Fernandez.
"Seuls 600.000 ont formulé une proposition directe, pas juste une opinion ou leur soutien au projet, et seuls 27.000 ont proposé d'ajouter quelque chose au projet" et non de le modifier ou l'amender, ce qui selon lui s'explique par la crainte de s'exprimer et "l'énorme scepticisme" sur la réelle prise en compte de leur avis.
"27.000 sur sept millions, c'est très peu mais tout de même ce sont sept millions de personnes qui ont assisté à une assemblée où on les a appelés ouvertement à parler", dans un pays régulièrement critiqué à l'international pour l'opacité de ses élections, observe Julio Antonio Fernandez, qui regrette que la consultation n'ait "pas de caractère contraignant".
Le mariage gay, une "diversion"?
Point le plus débattu, suscitant le rejet d'une partie de la population et de l'Eglise: la définition, dans l'article 68, du mariage comme union "entre deux personnes", et non un homme et une femme comme dans la Constitution actuelle de 1976.
Cela ouvre la voie au mariage homosexuel dans une île où, dans la foulée de la révolution castriste en 1959, cette communauté a été harcelée, voire envoyée en camps de "rééducation", puis exclue de tout emploi public avant d'être progressivement acceptée.
Le président lui-même, Miguel Diaz-Canel, s'est dit "d'accord", estimant que cela "répond au problème d'éliminer tout type de discrimination dans la société".
"Moi je suis favorable au mariage pour tous", confie à l'AFP Abraham Jiménez, directeur du média en ligne El Estornudo.
Mais "cela m'a beaucoup dérangé qu'on ait centré le débat sur l'article 68, d'une certaine manière on l'a utilisé comme diversion pour cacher le reste des problématiques" soulevées par le texte.
Il cite la propriété privée, désormais reconnue dans la Constitution mais qui ne doit pas être "concentrée": "C'est l'un des points les plus faibles et ambigus du texte, car (...) cela parle de richesse mais sans dire clairement jusqu'à quel point on peut être riche".
"Envie d'être étranger"
Derrière cette question se dessine l'effort, initié par l'ex-président Raul Castro, pour actualiser le modèle économique d'une île qui veut rester socialiste mais s'ouvrir à l'activité privée... et l'investissement étranger, qualifié dans la nouvelle Constitution d'"élément important pour le développement économique du pays".
"Vraiment, ça donne envie d'être étranger", soupirait récemment Panfilo, comique le plus populaire de Cuba, dans son émission hebdomadaire où il se moquait des tracasseries imposées aux entrepreneurs cubains, quand le tapis rouge est déroulé aux investisseurs venus d'ailleurs.
Même préoccupation chez Maykel Galindo, propriétaire d'une maison d'hôtes à La Havane: "Si on cherche des millions (pour soutenir l'économie, ndlr), je me demande pourquoi on ne regarde pas dans le pays, pourquoi on ne s'intéresse pas aux gens comme moi qui ont envie de développer honnêtement ce pays?"
Autre revendication lors des débats: l'élection directe du président, désormais désigné pour au maximum deux mandats consécutifs de cinq ans.
"C'est une demande du peuple cubain depuis longtemps", assure Julio Antonio Fernandez, mais le scrutin indirect, où les députés du Parti communiste de Cuba (PCC, unique) élisent le président, est "un des noyaux durs du projet et je ne pense pas que ça va changer".
De manière générale, "la Constitution est déjà écrite", on ne verra probablement que "de petits changements" dans la version finale, renchérit Abraham Jiménez.
Une commission d'experts du PCC remettra bientôt un texte modifié au Parlement, qui l'approuvera en décembre, avant le référendum du 24 février.
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