La France, avec ses importations de soja, cuir ou huile de palme, participe à la déforestation dans le monde. Selon un récent rapport du WWF, ces 5 dernières années, le pays a contribué à déboiser potentiellement 5,1 millions d'hectares, à travers les seules importations de 7 matières premières.
Mercredi le gouvernement publie sur internet son plan interministériel promis par l'ex-ministre Nicolas Hulot et attendu depuis le printemps. Objectif: mettre fin d'ici à 2030 à la déforestation liée à l'importation de produits agricoles ou forestiers non durables.
Au programme, "faire évoluer les pratiques" de tous les acteurs.
D'abord les pays producteurs, que Paris voudrait faire bouger via sa politique d'aide au développement ("contrats de territoire").
Aux entreprises françaises qui importent ces produits, l'Etat propose de rejoindre début 2019 une "plateforme", pour les "inciter à s'engager".
Elles seraient alertées sur les approvisionnements risqués (via un renforcement des contrôles aux frontières, les données douanières, le suivi satellitaire des couverts forestiers...). Et la plateforme aura aussi pour mission d'élaborer d'ici à 2020 un label "zéro déforestation" pour orienter les consommateurs.
129 millions d'ha de forêt perdus
Ces mesures concerneront les matières agricoles les plus sensibles: soja, huile de palme, boeuf, cacao, hévéa, bois. Elles seront éventuellement élargies à d'autres produits (café, coton, canne à sucre, maïs, produits miniers...) lors de points d'étape en 2020 et 2025.
Côté agriculture et notamment élevage, grand consommateur de soja destiné à nourrir les bêtes, l'État compte sur des plans de filière, avec l'idée de promouvoir les alternatives. Objectif: autonomie protéique dès 2030 pour alimenter les élevages.
Enfin le gouvernement veut réorienter les commandes publiques, via un "guide de bonnes pratiques" qui sera diffusé début 2019 aux collectivités locales.
Mais rien de contraignant à ce stade, pour les communes et régions comme pour les entreprises, qui pourraient en revanche se laisser convaincre par le principe du "name and shame" ("désigner et blâmer"), dit-on au ministère de la Transition écologique.
Pascal Canfin, directeur général du WWF France, salue la stratégie nationale "la plus complète" jamais produite sur ce sujet. Un angle "concret" pour s'attaquer au recul de la biodiversité, "un bon plan de travail" sur une question encore en friche juridiquement et difficile politiquement et diplomatiquement.
"Il faudra voir si dans les faits ça change. Beaucoup dépendra de la capacité d'animation politique derrière et de la société civile à mobiliser sur cette question", dit-il.
Mais pour Greenpeace, "les timides avancées du gouvernement ne compenseront pas l'autorisation qu'il a donnée à Total d'importer 550.000 tonnes d'huile de palme par an pour sa bio-raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), ni son blocage de la suppression de l'avantage fiscal aux agrocarburants à l'huile de palme".
"Comment un tel texte, qui ne prévoit aucune interdiction ou mesure réglementaire, pourra-t-il freiner la déforestation? Avec si peu de moyens, il est évident que la France ne pourra pas respecter ses engagements climatiques", estime Clément Sénéchal, chargé de campagne Forêts chez Greenpeace France.
Alors qu'une des plus grandes bioraffineries d'Europe doit démarrer à La Mède au 1er trimestre 2019, la France veut plafonner l'incorporation de biocarburants issus de matières premières à risque déforestation "selon des critères qui seront définis par la Commission européenne en février 2019", "jusqu'à leur élimination d'ici 2030", indique la stratégie.
Paris indique peser sur la Commission pour qu'elle se dote d'un plan d'action sur la déforestation importée, avec "bon espoir" d'y parvenir début 2019, et prend l'"engagement de porter" la question dans les accords bilatéraux.
Selon la FAO, de 1990 à 2015, le monde a perdu 129 millions d'hectares de forêts (huit fois la superficie de la forêt française), une déforestation responsable de 11% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et de fortes pertes d'espèces. Un tiers est à imputer aux pays de l'UE et à leur consommation de produits agricoles.
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