"Pas un bébé mais une chose (...), une chose qui devait être découverte pour vivre", une enfant "à qui elle a commencé à parler à 18 mois, car elle (lui) avait souri". "Elle voulait qu'on la découvre, mais en même temps elle la cachait", "enfermée dans un mensonge".
Les déclarations de la mère aux enquêteurs, lues aux premières heures du procès lundi, ont d'emblée souligné l'étrangeté, la complexité du cas de Séréna: la double réalité de mauvais soins, reconnus par la mère, mais du fait "qu'elle l'a maintenue en vie". Et une ambivalence entre efforts de dissimulation, et volonté d'être découverte.
Rosa Maria da Cruz, 50 ans, est jugée pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant, privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un enfant par ascendant, et dissimulation ayant entraîné atteinte à l'état-civil d'un enfant.
Elle, qui depuis sa garde à vue initiale n'a pas fait de détention, encourt 20 ans de réclusion. L'affaire est jugée aux assises, conséquence du caractère "permanent" des séquelles de l'enfant. Un "déficit fonctionnel à 80%", un "syndrome autistique vraisemblablement irréversible" lié au confinement et à l'isolement, selon la dernière expertise mi-2016.
Cet isolement, Séréna en est sortie fin octobre 2013, lorsqu'un garagiste de Terrasson-Lavilledieu (Dordogne) intrigué par des "couinements", découvrit l'enfant et son couffin "cosy", dans le coffre de la Peugeot 307 d'une cliente, qui attendait sur place les réparations. Une voiture où, selon les gendarmes enquêteurs, l'enfant passait "la plupart du temps", même si la mère a assuré la sortir régulièrement, et la garder dans une pièce en travaux au rez-de-sol de maison, "où personne n'allait".
Des carences "historiques"
La lecture de l'état de Séréna ce jour-là a pesé lundi sur la salle d'audience. Nue, extrêmement sale, déshydratée, désarticulée, semblant chercher de l'air, les yeux se révulsant, entourée d'excréments, mais aussi de larves, d'asticots, à côté de jouets, de peluches, le tout dans une odeur "nauséabonde". Il faudra laver quatre fois l'enfant à l'hôpital.
Le pédiatre qui examina Séréna a parlé de carences "historiques" en vitamine D. Et de "carences socio-affectives comme je ne me souviens pas dans (ma) longue carrière". D'un poids de 7,8 kg à sa découverte, du développement global d'un enfant de 7-8 mois, alors qu'elle en avait 23. Et aucune interaction. "On se trouvait devant une espèce de mur", décrira le praticien. Et lorsqu'on tendra un biberon à l'enfant à l'hôpital, "elle l'appréhendera... avec les pieds", le portant à ses mains puis sa bouche.
"C'est très dur d'être confrontée à la réalité, au mal que je lui ai fait", a déclaré Rosa Maria da Cruz dans ses premiers mots à la barre. Elle qui s'était peu à peu départie d'une expression triste, crispée, pour se tenir la tête, et échapper des larmes, en écoutant le rappel des faits. Et avouera n'avoir pas lu l'acte d'accusation car "je ne voulais pas lire le mal que je lui ai fait".
Séréna, qui aura 7 ans le 24 novembre, vit à présent en famille d'accueil. Ses trois frères et sœurs de 9 à 15 ans, un temps placés, ont été rendus au couple. Et le mari a bénéficié d'un non-lieu. Rien, selon la justice, ne permet d'infirmer ce qu'il a toujours soutenu : il n'a jamais rien su ou vu de la grossesse, puis de l'existence de l'enfant dans leur maison de Brignac-la-Plaine. Actuellement hospitalisé, son témoignage au procès reste incertain.
L'accusée n'a que peu parlé lundi. Sauf pour décrire son enfance "normale", ses parents "aimants", son couple "heureux". Mais aussi ses dénis de grossesse, avant Séréna déjà, avec son deuxième enfant, puis un "déni partiel" avec son 3e.
Les parties civiles, à l'instar de Me Marie Grimaud pour l'association l'Innocence en danger, redoutent précisément une dérive du procès vers le déni de grossesse. Où "il serait bien facile pour Mme Da Cruz d'aller pour échapper à sa responsabilité", a souligné l'avocate.
Le procès est prévu par le président pour durer une semaine.
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