En octobre 2013, un garagiste de Terrasson (Dordogne) découvrait stupéfait, dans le coffre de voiture d'une cliente, une enfant de près de deux ans dans un couffin, nue, sale, déshydratée, les yeux se révulsant, entourée d'excréments, mais aussi de jouets, le tout dans une odeur pestilentielle.
Combien de temps a-t-elle vécu là ? Quelle a été sa vie ? A-t-elle une identité ? Pompiers puis gendarmes alertés, la mère et son mari sont placés en garde à vue puis mis en examen, alors qu'émerge peu à peu, sidérant les médias et au-delà, l'histoire de Séréna --le prénom donné par sa mère-- l'enfant cachée de tous.
Rosa, la mère âgée de 50 ans à présent, laissée libre sous contrôle judiciaire, comparaît à partir de 14H00 pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant, privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un enfant par ascendant, et dissimulation ayant entraîné atteinte à l'état-civil d'un enfant.
Elle qui n'a pas fait de détention, encourt 20 ans de réclusion. L'affaire est jugée aux assises en raison du caractère "permanent" des séquelles de l'enfant, révélé par les expertises successives. Un "déficit fonctionnel à 80%", un "syndrome autistique vraisemblablement irréversible", a souligné une expertise mi-2016. Et un "lien de causalité" avec l'isolement vécu par l'enfant.
"Pas passée par la case socialisation"
Séréna, qui aura 7 ans fin novembre, vit à présent en famille d'accueil. Ses trois frères et sœurs, aujourd'hui âgés de 11 à 17 ans, ont été rendus au couple après avoir été un temps placés. Car le mari a bénéficié d'un non-lieu. Rien, conclut la justice, ne permet d'infirmer ce qu'il a toujours soutenu : qu'il n'a jamais eu connaissance de la grossesse, puis de l'existence de l'enfant dans leur maison de Brignac-la-Plaine.
Ce n'est pas la moindre des questions d'un cas qui "défie l'imagination", comme l'admit le procureur de Brive à l'époque.
Le procès, prévu jusqu'au 21 novembre, devrait donner lieu à des débats d'experts, d'une part sur les mécanismes par lesquels isolement, confinement, ont pu engendrer la "désorganisation précoce des récepteurs" qui font que l'enfant "n'est pas passée par la case socialisation" et en gardera la trace, comme le résume une partie civile.
Il sera aussi beaucoup, surtout, question de déni de grossesse et de sa portée, voire de ses limites. "On est totalement dans le déni de grossesse", avait estimé, tôt dans le dossier, l'avocate de l'accusée Me Chrystèle Chassagne-Delpech. Néanmoins, sa cliente n'a toutefois pas eu le "geste fatal" qu'ont de nombreuses femmes en déni de grossesse jusqu'au néonaticide, mais l'a "laissée en vie... d'une certaine façon", avait-elle dit.
C'est ce comportement "après" qui sera, lui aussi, interrogé. Cette zone grise entre maltraitance psychologique et émotionnelle, relevée par les experts, et les soins -biberons, câlins- que la mère assure avoir apportés à l'enfant. En secret, "enfermée dans un mensonge, dans un gouffre", comme elle l'expliquera sur TF1.
"C'est un dossier très complexe, et il est important d'avoir des réponses à un certain nombre de questions", résumait à la veille du procès Martine Brousse, présidente de La Voix de l'Enfant, l'une des trois associations de l'enfance parties civiles. "Le dossier met en avant le déni de grossesse, qui ne paraît pas contestable. Mais il évoque aussi un +déni de l'enfant+, ce qui scientifiquement n'est pas prouvé. Or, quand les spécialistes explorent le +rejet de l'enfant+, ils tombent souvent sur de la maltraitance".
L'avocate de la défense, sollicitée, n'a pas souhaité s'exprimer en amont du procès.
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