Dans la clairière de Rethondes, au Nord de Paris, entre des arbres aux couleurs chatoyantes et sous un faible soleil d'automne, les deux dirigeants ont dévoilé une plaque au pied de la dalle, sur le site de la signature de l'armistice mettant fin à la Grande Guerre, qui avait saignée l'Europe et le monde, faisant 18 millions de morts.
"A l'occasion du centenaire de l'armistice du 11 novembre 1918, Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République Française, et Madame Angela Merkel, Chancelière de la République Fédérale d'Allemagne, ont réaffirmé ici la valeur de la réconciliation franco-allemande au service de l'Europe et de la paix", est-il écrit sur la petite plaque métallique.
Sobrement vêtus, d'un manteau bleu nuit pour Macron, noir pour Merkel, et la mine pénétrée, les deux dirigeants ont passé en revue des militaires de la brigade franco-allemande, avant de déposer une gerbe et se recueillir devant la plaque, puis se rendre dans la reconstitution du célèbre wagon restaurant où l'armistice avait été signé.
"Plus jamais ça"
La portée symbolique est particulièrement forte: c'est la première fois depuis l'après-guerre que le président français et le chef du gouvernement allemand se rencontrent dans ce mémorial.
Ils ont ensuite discuté avec des jeunes, M. Macron leur disant la nécessité selon lui d'être "à la hauteur" de ce que clamaient les contemporains de la Grande Guerre: "Plus jamais ça!".
Il faut "ne rien céder aux passions tristes, aux tentations de la division", a affirmé M. Macron, répétant son message politique en faveur de plus de coopération dans une Europe où les électeurs se tournent de plus en plus vers des courants hostiles à l'intégration européenne.
Ce message de coopération internationale, cette volonté d'une gouvernance multilatérale, M. Macron a tenté plus tôt dans la journée de les faire entendre aux oreilles nettement moins réceptives de Donald Trump.
L'impétueux président américain, adepte au contraire d'une approche diplomatique faite de pression et de négociation directe, est arrivé vendredi soir pour participer à ces deux jours de célébration de la paix à Paris, avec des dizaines d'autres chefs d'Etat et de gouvernement.
Les deux hommes ont proclamé leurs liens étroits, même si vendredi soir, le président américain avait accusé dans un tweet le français d'avoir été "très insultant" sur le dossier sensible de la défense européenne.
"Nous sommes devenus très bons amis au fil des ans", a assuré samedi matin Donald Trump. Mais son visage était fermé et l'atmosphère loin des démonstrations passées de complicité.
"Le président Macron vient de suggérer que l'Europe construise sa propre armée pour se protéger contre les Etats-Unis, la Chine et la Russie", avait-il écrit. "Très insultant mais peut-être que l'Europe devrait d'abord payer sa part à l'Otan que les Etats-Unis subventionnent largement!".
Samedi matin, l'Elysée a assuré qu'il y avait une "confusion" dans l'interprétation des propos de M. Macron.
"Nous devons mieux partager le fardeau au sein de l'Otan", a lancé M. Macron dès les début de l'entretien à l'Elysée, une musique douce aux oreilles du locataire de la Maison Blanche qui ne cesse de dire que les pays européens ne payent pas assez, alors qu'une grande partie de l'Europe s'abrite sous le bouclier américain depuis l'après-guerre.
Macron et Trump "alignés"
"Nous voulons une Europe forte", a affirmé le président américain. Ce que semble pas croire le président du Conseil européen Donald Tusk qui a soutenu exactement le contraire à Lodz en Pologne, reprochant à M. Trump d'être contre "une Europe unie et forte".
Depuis son élection, Emmanuel Macron plaide constamment pour un renforcement européen de la Défense, la France mettant justement en avant l'incertitude stratégique provoquée par les positions de Donald Trump.
Emmanuel Macron a affirmé à Donald Trump qu'"il faut plus d'autonomie et de capacités de défense de l'Europe pour être un partenaire plus crédible pour les Etats-Unis", selon son entourage.
"A la fin de la discussion, ils ont dit que étaient alignés, en phase sur cette vision de l'alliance Atlantique", ont assuré ses conseillers.
Plus largement, cette saillie illustre les désaccords politiques profonds qui opposent les deux hommes, sur l'environnement, le nucléaire iranien, les relations commerciales, et d'une manière générale, sur la gouvernance des affaires du monde, pour laquelle M. Macron défend le multilatéralisme, honni par M. Trump.
Après un déjeuner en présence de Mélania Trump et Brigitte Macron, le président américain est retourné à la résidence de l'ambassadeur. Il a renoncé à se rendre au cimetière américain de Bois Belleau, à une centaine de kilomètres au nord-est de Paris, en raison du mauvais temps.
La Maison Blanche a souligné les difficultés logistiques d'un tel déplacement, sachant que M. Trump devait se rendre sur place à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine One. De nombreux internautes ont raillé sur les réseaux sociaux ce changement de programme.
Dans la soirée, les Macron, Trump, Merkel, et plusieurs autres dignitaires dont le Canadien Justin Trudeau se retrouveront au Musée d'Orsay à Paris, pour une visite de l'exposition sur Picasso et un dîner protocolaire, avant la grande cérémonie de dimanche matin sous l'Arc de Triomphe, point d'orgue des commémorations.
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