Alors que fusent de toutes parts des critiques sur les raids aériens meurtriers de la coalition menée par Ryad contre les rebelles, Washington a confirmé samedi que Ryad utiliserait désormais ses "capacités propres" pour effectuer les ravitaillements en vol en soutien de ses opérations, assurés jusqu'à présent par les Américains.
Depuis le 1er novembre, date de l'intensification de l'offensive pour reprendre Hodeida aux rebelles, les intenses bombardements de la coalition menée par Ryad en soutien aux forces du président Abd Rabbo Mansour Hadi ont provoqué la vive inquiétude d'ONG sur le sort des civils dans la ville et au-delà de l'acheminement de l'aide humanitaire dans le reste du pays.
Hodeida, aux mains des rebelles depuis 2014, est en effet le point d'entrée des trois quarts des importations et de l'aide humanitaire internationale dans un pays menacé par la famine.
Mines et snipers
Sur le terrain, les forces progouvernementales, qui grignotent du terrain depuis jeudi à Hodeida, ont repris vendredi soir dans un quartier est l'hôpital du 22 mai, le principal établissement de la ville qui dispose d'une plateforme pour l'atterrissage d'avions médicalisés, selon des responsables militaires.
Toujours dans ce secteur, de violents combats opposent samedi matin les forces loyalistes aux rebelles près d'une route principale reliant Hodeida à la capitale Sanaa, d'après les mêmes sources qui font état de l'implication d'hélicoptères Apache de la coalition.
Selon un des responsables, les affrontements prennent désormais la forme de "combats de rue", alors que "pleuvent des obus de mortier tirés par les rebelles".
Les forces loyalistes, qui progressent depuis le sud et l'est vers le port, ont encore avancé d'un kilomètre, a-t-il ajouté. Elles ont reçu des renforts d'après un photographe de l'AFP.
Leur avancée dans la ville est cependant entravée par le nombreux snipers déployés par les rebelles ainsi que par les mines et les tranchées creusées dans plusieurs secteurs, ont encore indiqué ces sources militaires.
Le chef de la rébellion, Abdel Malik al-Houthi, avait promis mercredi que ses hommes se battraient jusqu'au bout et ne se rendraient "jamais".
Les combats depuis le 1er novembre ont fait 382 morts, selon des sources médicales.
Depuis plusieurs jours, de nombreuses ONG ne cessent d'appeller les parties en conflit à cesser les combats.
"Au cours des 30 dernières minutes, il y a eu plus de 15 raids aériens (...) cela doit cesser immédiatement (...) Il s'agit du pire moment pour les enfants de Hodeida", a témoigné samedi la coordinatrice de Save the children, Mariam Aldogani, dans un communiqué de l'ONG.
Pour le Conseil norvégien pour les réfugiés, "il y a un très fort risque que davantage d'attaques aériennes ou terrestres coupent (...) la dernière voie de ravitaillement en produits alimentaires, essence et médicaments des quelque 20 millions de Yéménites qui dépendent des importations passant par Hodeida".
Les forces loyalistes tentent de chasser les Houthis, soutenus par l'Iran, de vastes régions conquises dans le nord et le centre du pays, dont Sanaa. Elles tentent de reconquérir Hodeida depuis juin.
Cette offensive avait été suspendue en juillet pour donner une chance aux efforts du médiateur de l'ONU. Après l'échec en septembre de la médiation onusienne, la coalition avait annoncé la reprise de l'opération.
Désengagement de Washington
Mais depuis plusieurs mois, la coalition menée par Ryad donnait l'impression d'être dans une impasse militaire, sans compter qu'elle était de plus en plus critiquée par l'administration américaine, elle-même épinglée sur le plan intérieur pour son soutien à Ryad.
Son intervention au Yémen est devenue encore plus controversée après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, imputé à de hauts responsables du royaume et qui a terni l'image de Ryad.
La coalition a cependant voulu afficher sa coopération avec Washington samedi et a plaidé pour des négociations de paix sur le Yémen.
"En consultation avec les Etats-Unis, la coalition a demandé la cessation du soutien au ravitaillement en vol pour ses opérations au Yémen", a annoncé l'agence de presse officielle SPA. L'information a été confirmée par le Pentagone.
"Le commandement de la coalition exprime l'espoir que les prochaines négociations sous l'égide de l'ONU dans un pays tiers conduiront à un règlement négocié" du conflit, a ajouté l'agence.
Le Pentagone a évoqué dans le même temps de prochaines négociations. "Nous sommes tous concentrés sur le soutien à une résolution du conflit, menée par l'envoyé spécial de l'ONU Martin Griffith", a dit dans un communiqué le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis.
Pour le cabinet de conseil IHS Markit, Ryad et les Emirats arabes unis, autre membre de la coalition au Yémen, "estiment nécessaire de prendre Hodeida avant d'entamer des pourparlers de paix avec les Houthis. Cela permettrait au gouvernement yéménite d'avoir beaucoup plus de poids politique à la table des négociations".
En près de quatre ans, le conflit au Yémen a fait quelque 10.000 morts et provoqué selon l'ONU la pire crise humanitaire au monde.
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