Jusqu'ici, les deux enquêtes préliminaires, ouvertes à la suite de signalements, étaient menées sous l'égide du parquet. Mais, après des perquisitions houleuses réalisées mi-octobre au siège de LFI, chez M. Mélenchon et au domicile de collaborateurs parlementaires, la tension était montée de plusieurs crans.
Le leader du mouvement d'extrême gauche avait mis en cause le manque d'indépendance du parquet et dénoncé une "manoeuvre" du président de la République Emmanuel Macron. Ses avocats lui avaient emboîté le pas en réclamant la saisine de juges d'instruction, statutairement indépendants.
Vendredi, le parquet a ouvert deux informations judiciaires distinctes contre X, expliquant sa décision "au vu des éléments d'ores et déjà rassemblés et de la complexité des investigations qui restent à réaliser".
La première, relative au financement de la campagne, l'a principalement été pour "escroquerie et tentatives d'escroquerie au préjudice d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public", "abus de confiance", "tenue non conforme par un candidat de son compte de campagne" et "opération illicite de prêt de main-d'oeuvre".
La seconde, qui concerne les assistants parlementaires, a été ouverte notamment pour "détournements de fonds publics" et "blanchiment de détournements de fonds publics".
"Griffes de l'arbitraire"
"Enfin, nous revenons à la normale judiciaire. Un juge d'instruction est désigné. Nous sortons des griffes de l'arbitraire", s'est réjoui le chef de file des Insoumis sur Twitter, peu après l'annonce du parquet.
Le dossier du financement de la présidentielle de 2017, où M. Mélenchon avait fini en quatrième position, avait démarré avec un signalement le 16 mars de la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP).
La CNCCFP, qui a validé fin 2017 les comptes des onze candidats malgré certaines dépenses retranchées --434.939 euros sur 10,7 millions d'euros déclarés concernant M. Mélenchon-- avait justifié son signalement par des "interrogations", notamment sur les dépenses facturées par la société de conseil Mediascop, dirigée par Sophia Chikirou, une proche de Jean-Luc Mélenchon, et par l'association L'Ere du peuple.
Cette dernière avait d'ailleurs été visée le 8 août par un signalement de Tracfin, la cellule de renseignement financier rattachée à Bercy, au procureur de la République de Paris.
La commission des comptes de campagne avait constaté que L'Ere du peuple, association sans activité commerciale déclarée, avait facturé à la campagne 440.027 euros correspondant à des locations de salles, de matériels informatiques et audiovisuels, et à des prestations de quatre de ses salariés, dont trois étaient également membres de l'équipe de campagne.
Quant à l'affaire des assistants d'eurodéputés, c'est une dénonciation d'une députée européenne -alors membre du Front national-, Sophie Montel, qui en est à l'origine.
Les investigations sur ces deux fronts, confiées jusqu'ici à l'Office de lutte contre la corruption financière (Oclciff), ont notamment donné lieu à 21 auditions. En outre, des perquisitions, autorisées par un juge des libertés et de la détention, ont été menées sur 15 sites le 16 octobre. C'est Jean-Luc Mélenchon lui-même qui avait révélé être visé par une perquisition, en la filmant pour la diffuser en direct sur Facebook.
Un peu plus tard, au siège de LFI dans le Xe arrondissement de Paris, le leader des Insoumis et des proches avaient pris à partie le représentant du parquet et les policiers.
Une autre enquête, pour "menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire" et "violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique", avait dans la foulée été ouverte par le parquet de Paris et transférée à Bobigny.
En parallèle, le parti avait affirmé que quatre de ses sympathisants avaient porté plainte pour des violences des forces de l'ordre durant ces perquisitions.
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