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L'olivier de Cisjordanie, arbre de paix et victime collatérale du conflit israélo-palestinien

Mahmoud Abou Shinar passe en revue les deux rangées d'arbres que des inconnus ont abattues dans l'oliveraie. Il n'a pas vu les coupables à l'oeuvre mais pour lui, pas de doute: ils viennent de la colonie israélienne voisine.

L'olivier de Cisjordanie, arbre de paix et victime collatérale du conflit israélo-palestinien
Le Palestinien Mahmoud Abou Shinar à côté d'un des oliviers détruits dans son champ à Turmus Aya, au nord de Ramallah, le 22 octobre 2018 - ABBAS MOMANI [AFP]

"Quand nous sommes arrivés dimanche, nous avons eu un choc en voyant tous ces arbres abattus", dit Mahmoud Abou Shinar, qui travaille sur la parcelle. "J'ai appelé le propriétaire. Il est venu, l'armée (israélienne) et les forces de sécurité aussi. Mais ça n'a servi à rien, bien sûr."

L'olivier fait partie du paysage palestinien, tapissant les vallées et s'étageant en terrasses à travers toute la Cisjordanie, un territoire occupé par Israël depuis plus de cinquante ans.

L'arrivée de l'automne et des premières pluies signalent pour les agriculteurs le temps de la récolte. C'est aussi, avec le printemps, l'une des périodes de l'année où les oliveraies deviennent rituellement l'un des exutoires des animosités entre Palestiniens et colons israéliens.

Sur fond de conflit persistant, environ 430.000 colons israéliens vivent une coexistence souvent antagonique avec plus de 2,5 millions de Palestiniens en Cisjordanie. La création par Israël d'implantations civiles en territoire occupé est illégale au regard du droit international. Elle s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens depuis 1967.

Elle est considérée comme un obstacle majeur à la paix par une grande partie de la communauté internationale, ce que conteste le gouvernement israélien.

Autour des oliveraies comme ailleurs, Israéliens et Palestiniens se renvoient les accusations.

L'enjeu de la terre

Maints agriculteurs palestiniens disent être confrontés aux menaces et aux violences des colons voisins. Certains incidents suivent de près des attaques palestiniennes contre des Israéliens et semblent relever de la vengeance. D'autres sont principalement motivés par la volonté de colons radicaux d'attenter à la propriété des Palestiniens, affirment les défenseurs de ces derniers.

Plus de 7.000 arbres appartenant à des Palestiniens ont été vandalisés cette année, selon l'ONU, soit un millier de plus qu'en 2017 et plusieurs milliers de plus qu'en 2016.

L'oléiculteur palestinien Mahmoud Abou Shinar assure qu'au cours des dernières semaines, environ 200 arbres ont été saccagés sur des terrains dont il s'occupe autour de Ramallah.

"Ce qu'ils veulent, c'est la terre", tranche-t-il, accusant les colons. "Qui d'autre pourrait commettre un crime pareil ?"

L'ancien conflit pour la terre se poursuit en Cisjordanie, censée faire partie un jour de l'Etat auquel les Palestiniens aspirent mais dont la perspective paraît bien lointaine. Environ 60% du territoire est sous contrôle total d'Israël. Pour une partie de l'opinion israélienne, la Cisjordanie doit appartenir à Israël, que ce soit pour des raisons religieuses, sécuritaires ou politiques.

Le Conseil de Yesha, principale organisation représentative des colons de Cisjordanie, dit "déplorer tous les actes de vandalisme", dans un communiqué envoyé à l'AFP.

Mais il note que les exploitations israéliennes en Cisjordanie ont elles aussi été la cible d'un "terrorisme agricole" qui va en s'intensifiant. En mai par exemple, un millier de pieds de vigne ont été détruits au sud de Bethléem, en Cisjordanie, selon le Conseil de Yesha, qui évoque aussi des déprédations de cerisiers ou des vols de chèvres.

Patrouilles israéliennes

La police israélienne dit avoir ouvert différentes enquêtes à la suite de plaintes palestiniennes. Mais "il y a aussi eu des plaintes de propriétaires juifs dénonçant les dégâts causés à leurs arbres", dit un porte-parole, Micky Rosenfeld.

Les patrouilles de police ont été renforcées, assure-t-il.

De leur côté, les défenseurs des droits des Palestiniens fustigent le peu d'efforts déployés selon eux par les autorités israéliennes pour punir les coupables.

À quelques dizaines de kilomètres au nord de l'oliveraie d'Abou Shinar, près de la ville palestinienne de Naplouse, des oléiculteurs se pressent sous un arbre pour cueillir des olives, en contrebas de la colonie de Brakha.

À deux pas, une maison abandonnée est couverte de graffitis en hébreu.

L'armée israélienne patrouille et un soldat explique aux Palestiniens qu'ils sont "là pour aider".

Les Palestiniens affirment que deux jours plus tôt des colons s'en sont pris aux arbres, plantés il y a plus de 100 ans selon eux. Ils accusent l'armée d'être souvent trop lente à réagir et de prendre le parti des colons.

Rabbins protecteurs

Plutôt que de recourir à l'armée, les Palestiniens préfèrent appeler à la rescousse des sympathisants étrangers et israéliens, y compris des rabbins, pour participer à la récolte et par là même offrir une forme de protection.

Caroline, une Britannique à la retraite, raconte venir depuis dix ans assister les Palestiniens voisins de "colonies particulièrement difficiles".

Cette année, elle et une agricultrice qu'elle accompagnait sur son lopin proche d'une colonie ont été empêchées d'y accéder par les soldats, dit-elle.

Quand la propriétaire palestinienne "a enfin pu accéder au verger, elle a découvert qu'une centaine de ses arbres avaient été abattus à la tronçonneuse par des colons. Il n'y avait même plus d'olives à cueillir."

Le rabbin Gil Nativ veille à porter sa kippa en cueillant les olives pour montrer que tous les juifs ne sont pas favorables à la colonisation. "Certains (Israéliens) nous considèrent comme des traîtres", dit-il.

"Pour moi, le principe fondamental de la foi juive, c'est que tous les hommes sont créés à l'image de Dieu et que tous les êtres humains sont les descendants d'Adam et Eve", dit-il.

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