Dans une interview exclusive à l'AFP au siège de son gouvernement d'union nationale (GNA) à Tripoli, M. Sarraj, 58 ans, a souhaité que la conférence organisée lundi et mardi par l'Italie à Palerme (Sicile) débouche sur "une vision commune vis-à-vis du dossier libyen".
Riche en hydrocarbures, la Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, avec deux gouvernements (le GNA et un autre exécutif basé dans l'est du pays) et deux assemblées.
Si le GNA contrôle une grande partie de l'ouest du pays, l'est est sous la coupe de l'Armée nationale libyenne auto-proclamée par le maréchal Khalifa Haftar, qui sera lui aussi présent à Palerme.
De nombreux Libyens imputent la poursuite de la crise aux rivalités entre divers pays -occidentaux, mais aussi arabes- qu'ils accusent de privilégier leurs intérêts en appuyant un camp aux dépens des autres.
M. Sarraj a ainsi déploré "des interventions négatives de certains pays" en Libye, sans toutefois les nommer.
Il a cependant "salué" les efforts de la France pour avoir organisé fin mai à Paris un sommet qui avait rassemblé les quatre principaux protagonistes de la crise libyenne, dont M. Sarraj.
"Voeu pieux"
Cette réunion avait principalement débouché sur un engagement à organiser des élections le 10 décembre, mais cet objectif ne sera visiblement pas tenu.
Il a, à ce propos, regretté "le non-respect des décisions" prises lors de cette conférence.
M. Sarraj a notamment critiqué le parlement basé dans l'est de la Libye pour n'avoir pas respecté, selon lui, ses engagements pris à Paris afin de préparer le cadre constitutionnel requis pour la tenue d'élections.
Interrogé sur le délai nécessaire pour la tenue de ces scrutins, il a estimé que "toute mention de date pour les prochaines élections sans la mise en place d'un cadre constitutionnel reste une sorte de voeu pieux".
L'opportunité de fixer une date constitue l'une des principales divergences entre la France d'un côté, l'Italie, mais aussi les Etats-Unis, de l'autre, ces deux derniers pays estimant que le volet électoral doit venir en dernier.
Concernant la rivalité entre Paris et Rome, il a souligné "la nécessité d'unifier les positions" des deux pays "de telle sorte qu'il n'y ait plus de points de discorde" entre eux.
"Il faut unifier la position (de la communauté) internationale vis-à-vis de la Libye", a asséné le dirigeant libyen.
Défi sécuritaire
Architecte de formation et ancien homme d'affaires, M. Sarraj, originaire de Tripoli, a été nommé président du GNA en décembre 2015 à l'issue d'un dialogue interlibyen sous l'égide de l'ONU organisé à Skhirat (Maroc) et a pris ses fonctions dans la capitale libyenne en mars 2016.
Son principal défi a été dès le début l'insécurité qui règne en Libye, en particulier dans la capitale, où des milices d'obédiences diverses continuent de faire la loi en toute impunité et de se livrer parfois des affrontements meurtriers.
Entre fin août et fin septembre, des combats entre des groupes armés venant d'autres villes de l'ouest libyen et des milices tripolitaines ont fait au moins 117 morts et plus de 400 blessés.
Face à la pression de la Mission de l'ONU en Libye (Manul), le GNA a annoncé de nouveaux "arrangements sécuritaires", qui n'ont toutefois pas encore vu le jour.
"Nous commençons à appliquer ce plan, mais celui-ci a besoin d'un soutien international et de l'engagement de toutes les parties" libyennes pour éviter de nouvelles violences, a-t-il déclaré.
Ce plan, a-t-il expliqué, vise à remplacer les milices par "des unités régulières de la police et de l'armée".
M. Sarraj a toutefois tenu à préciser que certaines de ces milices avaient "joué un rôle positif et contribué à la sécurisation de la capitale et d'autres villes, et à la lutte contre le terrorisme".
"Mettre toutes ces factions dans le même sac est une sorte d'injustice à l'égard de ces jeunes Libyens", dont certains pourraient intégrer les forces régulières, a-t-il encore ajouté.
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