Les Etats-Unis sont "au bord de la crise constitutionnelle", ont dénoncé plusieurs parlementaires démocrates choqués par le départ contraint de Jeff Sessions au lendemain d'élections de mi-mandat aux résultats contrastés.
Fort de leur nouvelle majorité à la Chambre des représentants, certains démocrates ont brandi la menace d'une enquête parlementaire dès qu'ils prendront leur fonction, en janvier.
Le ministre de la Justice Jeff Sessions, 71 ans, a démissionné "à la demande" du président Trump qui ne se privait pas depuis des mois de critiquer en public ce fidèle de la première heure, tombé en disgrâce après s'être récusé dans la délicate enquête russe.
Donald Trump lui reprochait d'être un ministre "très faible", incapable de le protéger dans cette enquête tentaculaire sur l'ingérence de Moscou dans la présidentielle américaine de 2016, dont un volet porte sur les soupçons de collusion entre la Russie et l'équipe de campagne du milliardaire républicain.
Le président, dont plusieurs anciens collaborateurs ont été inculpés dans ce dossier, dénonce une "chasse aux sorcières" "injuste" et coûteuse et a régulièrement souhaité la fin des investigations du procureur spécial Robert Mueller.
Jeff Sessions est remplacé, de manière temporaire, par son propre chef de cabinet Matthew Whitaker qui, avant d'entrer à son service, avait publié une tribune dans la presse critiquant l'ampleur de l'enquête russe.
"Massacre au ralenti"
Les démocrates ont dénoncé un "abus de pouvoir", et certaines voix dans le camp républicain, ont craint que son arrivée ne signifie la fin de l'indépendance pour le procureur Mueller. La sénatrice républicaine Susan Collins a ainsi jugé "impératif que le gouvernement n'entrave pas son enquête".
"Donald Trump a installé un affidé pour superviser l'enquête russe et franchi une ligne rouge censée protéger cette enquête", a également dénoncé l'association progressiste Move On, qui appelle les Américains à manifester jeudi à 17H00 dans tout le pays contre "cette menace pour la démocratie".
L'ancien chef de l'agence centrale du renseignements CIA, John Brennan, critique régulier de Donald Trump, a lui aussi estimé que les Etats-Unis pourraient être confrontés à une "crise constitutionnelle très prochainement".
Certains commentateurs ont fait le parallèle entre cette éviction et l'ordre donné en 1973 par le président Richard Nixon à son ministre de la Justice de limoger le procureur spécial en charge de l'enquête du Watergate.
Le ministre et son numéro deux avaient préféré démissionner plutôt que s'y plier, mais Nixon était parvenu à ses fins lors du "massacre du samedi soir".
Jake Tapper, journaliste vedette de CNN, a estimé que le départ contraint de Jeff Sessions était une répétition "au ralenti et sur plusieurs mois de ce massacre".
"Inacceptable"
La chaîne est très critique envers Donald Trump qui, en retour, la qualifie souvent de "média bidon" ("Fake news media").
Mercredi soir, la Maison Blanche a suspendu l'accréditation d'un de ses journalistes après une altercation avec Donald Trump en conférence de presse.
Le reporter de CNN Jim Accosta, engagé dans un échange houleux avec le président, avait refusé de rendre le micro à une employée de la Maison Blanche, la frôlant lors de cet échange.
"Nous ne tolèrerons jamais qu'un reporter pose sa main sur une jeune femme", a commenté dans la foulée Sarah Sanders, pour justifier son exclusion.
CNN a apporté son soutien à son journaliste et s'est alarmée d'une "décision sans précédent" qui constitue selon elle "une menace pour notre démocratie".
Une association représentant la presse présidentielle a appelé la Maison Blanche à annuler une sanction "disproportionnée" et "inacceptable".
En juin, un partisan de Donald Trump avait suggéré de retirer l'accréditation de Jim Accosta, après qu'il eut de nouveau posé des questions musclées au magnat de l'immobilier. "Les dictateurs retirent leur accréditation aux journalistes, pas les démocraties", avait rétorqué le reporter.
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