"On a commencé une enquête interne", a affirmé jeudi cette source, qui reconnaît l'existence de ces formulaires.
La "polémique éclate en interne en mars 2014", expose le collectif européen de médias à l'origine de plusieurs enquêtes sur les dessous du foot-business, dont Mediapart et Envoyé Spécial en France.
A l'origine, un footballeur en herbe, Yann Gboho (international français chez les jeunes, né en Côte d'Ivoire), 13 ans, qui joue au FC Rouen et tape "dans l'œil" d'un "recruteur du PSG pour la région Normandie, Serge Fournier", peut-on lire dans la livraison de "Football Leaks".
Une "fiche remplie le 2 novembre 2013 lors du match US Sapins-FC Rouen" mentionne ainsi l'origine ("antillais"). Quand un recruteur "passe sa souris sur la case, un menu déroulant apparaît qui permet de cocher un des quatre choix: +Français+, +Maghrébin+, +Antillais+, +Africain+", écrit Mediapart.
"Français" ou "Blanc" ?
Pour l'appellation "Français", "il aurait fallu écrire Blanc. D'autant que tous les joueurs qu'on recommandait étaient Français. Le PSG ne voulait pas qu'on recrute des joueurs nés en Afrique, car on n'est jamais sûr de leur date de naissance", lâche M. Fournier, interrogé par Mediapart. "Deux ans plus tard, dans la case origine, il écrit: +Afrique noire+", selon Mediapart. Le joueur signe finalement à Rennes.
Le nom de Yann Gboho a donc ensuite "suscité bien des remous au PSG, comme le montre le compte rendu interne d'une réunion formation qui s'est tenue le 14 mars 2014", peut-on lire dans les "Football Leaks".
Au cours de cette réunion, Marc Westerloppe qui dirige à l'époque "la cellule recrutement du club dans tout le pays sauf en Île-de-France" (et qui a quitté le PSG pour Rennes en janvier 2018) déclare, selon ce document: "On ne va pas revenir sur ce sujet. Il y a un problème sur l'orientation du club, il faut un équilibre sur la mixité, trop d'Antillais et d'Africains sur Paris".
Ce qui provoque l'indignation d'autres participants, comme Pierre Reynaud, responsable du recrutement des jeunes en Île-de-France: "Sauf que ce ne doit pas être une question ethnique mais de talent". "Une dernière phrase conclut le compte rendu: +Par la suite, débat houleux…+", écrit Mediapart.
"Remplies jusqu'au printemps 2018"
Tout fichage lié aux origines ethniques est interdit en France, où le sujet est plus sensible que dans d'autres pays.
Signe du malaise suscité par cette affaire, toujours selon les "Football Leaks", la secrétaire du comité d'entreprise écrit à la directrice des ressources humaines, en mettant en copie bon nombre de formateurs, pour dénoncer les "propos tenus le 14 mars par M. Westerloppe et ce, au nom de la direction du club". "J'ai rencontré une équipe ébranlée, particulièrement touchée par ce qui pourrait apparaître comme étant la nouvelle philosophie de notre entreprise. Impossible de cautionner ce virage à 180° !!!! Aucun de mes collègues de la formation ou pré-formation ne peuvent y croire", souligne la secrétaire du CE.
Mediapart raconte que Westerloppe est ensuite convoqué "à un entretien préalable" le 27 juin 2014, où il proteste auprès de Jean-Claude Blanc (actuel directeur général délégué du PSG), rejetant des accusations contre lui, "fausses, malveillantes et stupides".
Aucune sanction n'est prononcée. Westerloppe et Olivier Létang, directeur sportif de l'époque (aujourd'hui président de Rennes) se sont contentés de rétorquer à Mediapart que "cette affaire concerne le PSG".
Pour répondre aux questions des "Football Leaks" le PSG "a missionné" Malek Boutih, ancien député PS (2012-2017), ancien président de SOS Racisme (1999-2003), qui "travaille depuis une quinzaine d'années sur les questions de racisme au sein de la fondation PSG". "Au nom du club, il confirme que ce fichage a été mis en place, mais (...) les choses ont, selon lui, été faites en secret" et que "la direction n'était pas au courant", relate Mediapart.
Ces "mêmes fiches d'observation avec mention des origines ont été scrupuleusement remplies jusqu'au printemps 2018", accuse encore Mediapart.
Pour le foot français, cette affaire réveille "l'affaire des quotas", quand avait émergé l'idée d'imposer des quotas de binationaux chez les jeunes, lors d'une réunion de la Direction technique nationale (DTN) fin 2010. Laurent Blanc, le sélectionneur de l'époque, s'était dit alors tout à fait "favorable" à cette idée en arguant: "Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les Blacks (...) Je crois qu'il faut recentrer, surtout pour des garçons de 13-14 ans, 12-13 ans, avoir d'autres critères, modifiés avec notre propre culture (...) Les Espagnols, ils m'ont dit: +Nous, on n'a pas de problème. Nous, des Blacks, on n'en a pas+."
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