Il s'agit de sa première décision au lendemain d'élections de mi-mandat qui ont renforcé la majorité républicaine au Sénat, mais fait basculer la Chambre des représentants dans le camp démocrate.
Moins d'une heure après une conférence de presse au cours de laquelle il avait tendu la main à ses adversaires, Donald Trump annonçait dans deux tweets lapidaires le départ de Jeff Sessions et son remplacement, temporaire, par son propre directeur de cabinet, Matthew Whitaker.
Le ministre était sur la sellette depuis qu'il s'était récusé, en mars 2017, dans la tentaculaire enquête du procureur spécial Robert Mueller, qui cherche à établir s'il y a eu collusion entre Moscou et l'équipe du candidat Trump lors de la présidentielle de 2016.
Depuis plus d'un an, Donald Trump reprochait à Jeff Sessions d'être un ministre "très faible" incapable de le protéger d'une "injuste chasse aux sorcières".
En se récusant, M. Sessions a délégué le contrôle hiérarchique du procureur Mueller au numéro deux du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, qui a laissé l'ancien directeur du FBI agir à sa guise.
Les marges de manœuvre du procureur Mueller pourraient se réduire si, comme les médias américains le disent, Matthew Whitaker reprend la supervision de l'enquête russe.
"Ingérence"
Cet ancien procureur fédéral de 49 ans, qui fut candidat à une primaire républicaine dans l'Iowa, a promis de conduire son ministère en suivant "les règles éthiques les plus hautes".
Mais il avait publié en août 2017 une tribune dans la presse reprochant au procureur spécial de s'intéresser aux finances de Donald Trump et appelant Rod Rosenstein à lui "ordonner de limiter la portée de son enquête".
"En raison de ses commentaires", il devrait "se récuser" dans l'enquête russe, a immédiatement commenté le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer.
Son collègue Jerrold Nadler, pressenti pour prendre la tête de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, a lui dénoncé une "ingérence" du président Trump dans l'enquête russe et prévenu que les démocrates pourraient lancer une enquête parlementaire dès janvier à ce sujet.
Grâce à leur nouvelle majorité, les élus démocrates de la Chambre pourront aussi convoquer des témoins ou réclamer des documents si Robert Mueller était empêché de le faire.
L'opposition pourrait aussi lancer une procédure de destitution du président Trump, mais elle aurait peu de chances d'aboutir au Sénat, où les républicains restent majoritaires.
Même dans leurs rangs, certaines voix se sont élevées mercredi pour défendre l'enquête du procureur spécial. Il est "impératif" qu'elle "aille à son terme sans être gênée", a ainsi estimé l'ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012, Mitt Romney, au lendemain de son élection comme sénateur de l'Utah.
"Attardé"
Avant de tomber en disgrâce, Jeff Sessions, un ultraconservateur de 71 ans, était considéré comme l'un des plus fidèles soutiens de Donald Trump, qu'il avait été l'un des premiers à rallier lors des primaires de 2016.
Mais le magnat de l'immobilier n'a pas supporté qu'il se récuse dans l'enquête russe en raison de contacts avec l'ambassadeur russe en 2016. En privé, il traitait parfois cet ancien sénateur de l'Alabama d'"attardé", selon le journaliste d'investigation Bob Woodward.
Preuve de sa déchéance: le président n'a pas eu un mot pour lui mercredi lors de sa conférence de presse post-élections.
En revanche, Donald Trump s'est saisi de l'occasion pour redire tout le mal qu'il pensait de l'enquête du procureur Mueller, un "canular" "injuste" qui coûte "des millions et des millions de dollars" et fait "honte" à l'Amérique.
"Je pourrais virer tout le monde, là, maintenant, mais je ne veux pas y mettre fin parce que politiquement je n'en ai pas envie", a-t-il malgré tout ajouté.
Il a également dit ne pas être "inquiet" des suites de l'enquête.
Plusieurs de ses proches sont pourtant dans le viseur du procureur Mueller, à commencer par son fils Donald Trump Junior, soupçonné d'avoir menti au FBI, et son ancien conseiller politique Roger Stone.
Le procureur devrait aussi augmenter les pressions pour obtenir des réponses du président lui-même.
Donald Trump est soupçonné d'avoir tenté d'entraver l'enquête en limogeant en mai 2017 le chef du FBI James Comey.
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