Le ministre était sur la sellette depuis qu'il s'est récusé, en mars 2017, dans cette enquête tentaculaire portant sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle de 2016 et sur une possible collusion entre Moscou et l'équipe du candidat Trump.
Le locataire de la Maison Blanche, qui dénonçait un ministre "très faible" incapable de le protéger d'une "injuste chasse aux sorcières", a finalement attendu le lendemain des élections de mi-mandat pour le limoger.
Satisfait d'avoir renforcé sa majorité au Sénat malgré la perte de la Chambre des représentants, Donald Trump s'est contenté de deux tweets lapidaires pour annoncer le départ de Jeff Sessions et son remplacement, temporaire, par son propre directeur de cabinet, Matthew Whitaker.
Selon les médias américains, ce dernier, un ancien procureur fédéral engagé dans les rangs républicains dans l'Iowa, va reprendre le contrôle de l'enquête russe, qui était supervisée par le numéro deux du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, depuis la récusation de Jeff Sessions.
M. Rosenstein, lui aussi fréquemment pris pour cible par Donald Trump, a été convoqué à la Maison Blanche mercredi après-midi, selon CNN.
En août 2017, Matthew Whitaker avait publié une tribune dans la presse affirmant que le procureur Mueller ne devait pas s'intéresser aux finances de Donald Trump ou de sa famille et que, s'il cherchait à le faire, Rod Rosenstein devrait s'y opposer.
"En raison de ses commentaires", il devrait "se récuser" dans l'enquête russe, a immédiatement commenté le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer.
Plus généralement, l'opposition craint que Donald Trump ne cherche à reprendre le contrôle de cette enquête. "Si le président a toute autorité pour remplacer son ministre de la Justice, cela ne doit pas être le premier pas dans une tentative de gêner ou de mettre un terme à l'enquête Mueller", a ainsi réagi le sénateur démocrate Mark Warner.
"Attardé"
Avant de tomber en disgrâce, Jeff Sessions, un ultra-conservateur de 71 ans, était considéré comme l'un des plus fidèles soutiens de Donald Trump, qu'il avait été l'un des premiers à rallier lors des primaires de 2016.
Mais le magnat de l'immobilier n'a pas supporté qu'il se récuse dans l'enquête russe en raison de contacts avec l'ambassadeur russe en 2016. En privé, il traitait parfois cet ancien sénateur de l'Alabama d'"attardé", selon le journaliste d'investigation Bob Woodward.
Preuve de sa déchéance: le président n'a pas eu un mot pour lui mercredi lors de sa conférence de presse post-élections, alors que le départ de Jeff Sessions était déjà acté.
En revanche, Donald Trump s'est saisi de l'occasion pour redire tout le mal qu'il pensait de l'enquête du procureur Mueller, un "canular" "injuste" qui coûte "des millions et des millions de dollars" et fait "honte" à l'Amérique.
"Je pourrais virer tout le monde, là, maintenant, mais je ne veux pas y mettre fin parce que politiquement je n'en ai pas envie", a-t-il malgré tout ajouté.
Il a également dit ne pas être "inquiet" des suites de l'enquête.
Selon la presse américaine, plusieurs de ses proches sont pourtant dans le viseur du procureur Mueller, à commencer par son fils Donald Trump Junior, soupçonné d'avoir menti au FBI, et son ancien conseiller politique Roger Stone.
Le procureur devrait aussi augmenter les pressions pour obtenir des réponses du président lui-même, soupçonné d'avoir tenté d'entraver l'enquête en limogeant en mai 2017 le chef du FBI James Comey.
Si Donald Trump parvenait à mettre des bâtons dans les roues du procureur Mueller, il pourrait toutefois se heurter à la Chambre des représentants.
Désormais en mesure de déclencher des enquêtes parlementaires sur tous les sujets de leur choix, les élus démocrates de la Chambre pourront notamment convoquer des témoins ou réclamer des documents si le magistrat était empêché de le faire.
L'opposition peut également profiter de sa majorité pour lancer une procédure de destitution du président Trump. Si une telle procédure était lancée, elle aurait peu de chances d'aboutir au Sénat, où les républicains restent majoritaires, mais elle assombrirait considérablement la fin de la présidence du milliardaire new-yorkais et sa campagne pour sa réélection.
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