Vêtu de noir avec des baskets violettes, l'homme de cinéma et de théâtre, dont les oeuvres ont souvent été critiquées des milieux conservateurs et religieux russes, est arrivé au tribunal où se sont déplacées de nombreuses personnalités du monde de la culture, a constaté une journaliste de l'AFP.
La juge Irina Akkouratova a ensuite ouvert l'audience qui marque le début de l'examen public du fonds de l'affaire, après plusieurs séances techniques à huis clos en octobre.
Kirill Serebrennikov est accusé d'avoir détourné 133 millions de roubles (1,7 million d'euros) de subventions publiques destinées à son théâtre moscovite grâce à un système de devis et factures gonflés entre 2011 et 2014.
En juillet, alors que son assignation à résidence était à nouveau prolongée, le metteur en scène et cinéaste de 49 ans avait résumé en un mot, "absurde", cette affaire et assuré que les sommes versées avaient servi à créer des oeuvres.
Kirill Serebrennikov avait été arrêté dans la nuit du 21 au 22 août 2017 et assigné à résidence alors qu'il se trouvait en plein tournage d'un film à Saint-Pétersbourg.
Quatre mois plus tard, la justice russe ordonnait la saisie des biens et actifs du metteur en scène, notamment son appartement et sa voiture. Plusieurs de ses collaborateurs sont également poursuivis dans cette affaire.
Le travail continue
Pour ses partisans, Kirill Serebrennikov paie la montée en puissance des valeurs conservatrices en Russie, où les artistes sont confrontés à une pression croissante.
Sans s'opposer ouvertement au président Vladimir Poutine, Kirill Serebrennikov avait à plusieurs reprises critiqué ces pressions et ses oeuvres, abordant des thèmes comme la politique, la religion ou la sexualité, sont régulièrement critiquées par les militants orthodoxes ou les autorités.
A cause de son assignation à résidence, Kirill Serebrennikov n'a pas pu participer en mai à la montée des marches à Cannes avec l'équipe de son film "Leto" ("L'été"), présenté en compétition et dont le réalisateur avait terminé le montage chez lui.
Il avait aussi manqué en décembre 2017 la première de son ballet "Noureev", consacré au danseur étoile soviétique passé à l'ouest en 1961 et monté au Bolchoï de Moscou. Le spectacle lui-même avait été pris dans une controverse, retardant la première de six mois.
La semaine dernière, Oleg Serebrennikov a été nommé dans trois catégories aux prestigieux "Masques d'Or", qui récompensent les spectacles montés la saison dernière en Russie. Dimanche a aussi eu lieu la première de sa mise en scène de "Cosi fan tutte" de Mozart à l'opéra de Zurich (Suisse), après plus d'un an de travail à distance.
Kirill Serebrennikov avait été nommé en 2012 à la tête du Centre Gogol, qu'il a transformé en un des centres névralgiques de la culture contemporaine à Moscou. Il y a notamment monté "Les Âmes mortes", d'après le roman de Nicolas Gogol, acclamé en 2016 au festival d'Avignon, dans le sud de la France.
"Il y a eu une bataille contre lui depuis qu'il a pris la tête du Centre Gogol", a déclaré à l'AFP John Freedman, un écrivain américain et spécialiste du théâtre contemporain russe installé à Moscou.
Depuis son arrestation, de nombreux appels à la levée des charges pesant sur lui ont été lancés par des figures du monde des arts russe comme par des personnalités culturelles internationales, de l'actrice australienne Cate Blanchett, présidente du jury du festival de Cannes en 2018, à l'ancienne ministre française de la Culture Françoise Nyssen.
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