Son livret posé sur la table du jardin, les yeux passant de photo en photo, Olivier Mabille se remémore l'histoire de sa famille. Ce petit livre, qu'il feuillette en discutant, retrace la vie de son arrière-grand-père lors de la Première guerre mondiale. Ce livre, c'est lui qui l'a écrit. Ce prêtre de la région du Havre (Seine-Maritime) a recueilli photos, lettres et messages de l'époque. Des souvenirs transmis de génération en génération depuis 100 ans.
La France commémore en effet en ce mois de novembre 2018 le centenaire de la fin de la guerre 1914-1918. Il y a quelques jours, le samedi 20 octobre 2018, Olivier Mabille et sa famille ont rendu hommage à Gustave Duteurtre, cet arrière-grand-père mort le 30 octobre 1918 de la grippe espagnole, après avoir quitté le front.
Les livres du père Mabille retracent la vie de ses arrière-grands-pères et reprennent les principaux éléments historiques. - Noémie Lair
Cette cérémonie a été l'occasion pour le prêtre de replonger dans l'histoire familiale et de continuer à la transmettre. Il a ainsi pu distribuer à ses neveux et nièces ses ouvrages retraçant l'histoire de ses deux arrière-grands-pères disparus pendant la guerre. "Mes grands-parents avaient gardé des souvenirs, des papiers et 100 ans après, j'ai voulu mettre le nez dedans pour comprendre ce que fût leur vie, d'autant qu'on n'en parlait pas beaucoup en famille mais que tous les ans, le 11 novembre, mes grands-parents m'emmenaient à la cérémonie au monument aux morts", raconte-t-il.
De la discrétion…
En effet, si aujourd'hui les souvenirs se transmettent de génération en génération, la parole était en revanche bien plus discrète juste après la guerre. "On n'en parlait pas parce que la vie continuait, que les veuves avaient des enfants en bas âge qui avaient à peine connu leur père, explique le père Mabille. Elles ne voulaient pas peser dans une espèce d'ambiance terrible et morbide et gardaient dans le secret de leur cœur toutes les lettres qu'ils échangeaient. À cette époque, il n'y avait pas de portable, de SMS ou Internet et donc de l'un de mes grands-pères, j'ai recueilli 150 lettres écrites à ses parents et grands-parents et c'est touchant."
Olivier Mabille voit deux autres raisons à ce silence d'après-guerre : "Dans un certain nombre de cas, comme celui mes arrière-grands-pères, ils pouvaient rester en arrière en raison de leur âge et de leur charge de famille mais ils ont pris le risque d'aller sur le front en première ligne et souvent, leur veuve et leur famille leur en ont voulu en quelque sorte d'avoir pris ce risque." Il explique enfin que l'arrivée de la Seconde guerre mondiale, de l'exode et des bombardements ont aussi détruit les souvenirs matériels et immatériels.
... à la transmission
Le père Mabille se sait aujourd'hui chanceux d'avoir pu reconstituer son histoire grâce à l'évacuation de toutes les archives familiales à la campagne dès le début de la Seconde guerre mondiale. "Cela m'a permis de retrouver des souvenirs extraordinaires : albums de photos, lettres, testament, autorisation de passage, etc."
Une richesse qu'il conserve précieusement et compte transmettre. "C'est important pour moi de garder ce souvenir. Comme disait Jean d'Ormesson, on ne peut pas préparer l'avenir sans se réapproprier les racines du passé : 'Le passé est ce qui empêche l'avenir d'être n'importe quoi.'"
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