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Au Caire, la ville islamique fragilisée joue sa sauvegarde

Les ouvriers perchés sur des échafaudages redonnent vie aux murailles du 13e siècle de la mosquée de Baybars, une rénovation bienvenue dans le quartier islamique du Caire, théâtre d'une dégradation accrue après 2011.

Au Caire, la ville islamique fragilisée joue sa sauvegarde
Une partie de la mosquée de Baybars au Caire, le 16 octobre 2018 - KHALED DESOUKI [AFP]

Interrompus par le Printemps arabe et les troubles politiques et économiques qui ont suivi, les travaux de restauration reprennent enfin sur cette mosquée mamelouke, en piteux état depuis des décennies.

De l'autre côté de ce quartier islamique considéré comme la ville historique, un nouveau projet de restauration autour de la mosquée al-Maridani (14e siècle) vient de démarrer.

Mais la tâche est immense dans cette portion de la capitale égyptienne de 32 km2 classée au patrimoine mondial par l'Unesco depuis 1979, avec quelque 600 monuments répertoriés.

Des mosquées, mausolées, caravansérails mais aussi des centaines de maisons anciennes forment là un tissu urbain unique dans le monde arabe, autour d'un lacis de ruelles de terre ou sommairement asphaltées, ponctuées d'échoppes, de cafés et d'immeubles de trois ou quatre étages.

Constructions illégales

Le Caire historique, "c'est comme la peinture d'un porte-avion: quand vous finissez d'un côté, vous devez recommencer de l'autre", résume Luis Monreal, directeur général de l'Aga Khan Trust for Culture (AKTC), qui a travaillé à la réfection de nombreux sites dans le Caire historique depuis le début des années 2000.

Or après 2011, les destructions de maisons anciennes se sont multipliées, vite remplacées par des immeubles de six à huit étages. Et le nombre de vols d'objets historiques dans les mosquées, tels que des pièces de minbar (chaire pour le prêche) a explosé.

Si les pillages et les constructions illégales ont diminué récemment, selon les autorités, la ville historique, au coeur d'une métropole de 20 millions d'habitants, reste en proie à la pollution atmosphérique, dont les particules acides attaquent la pierre. Et les ordures ménagères encombrent encore régulièrement les rues du quartier historique.

L'Unesco a ainsi tiré la sonnette d'alarme face aux dégradations constatées ces dernières années, comme elle le fait pour de nombreux sites classés: dans une décision prise en 2017, le Comité du Patrimoine mondial "prie instamment l'Etat partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à la détérioration rapide" du quartier historique du Caire.

Le ministre des Antiquités, Khaled el-Enany, venu en octobre inspecter les nouveaux chantiers de restauration, a souligné les nombreux défis auxquels il s'agit de faire face. "On dit toujours que les antiquités islamiques sont en mauvais état. C'est un fait", a-t-il reconnu en évoquant les égouts défaillants, source de corrosion pour la pierre, la localisation des monuments dans des zones résidentielles ou encore l'absence de budget du ministère des Antiquités.

En Egypte, ce ministère est alimenté par les revenus générés par les monuments. Or les remous politiques qui ont suivi la chute d'Hosni Moubarak en 2011 et l'attentat du groupe Etat islamique contre un avion dans le Sinaï en 2015 ont durement mis à mal la fréquentation touristique.

L'Egypte enregistre depuis peu un regain dans le secteur du tourisme, avec 8,2 millions de visiteurs en 2017, selon les chiffres officiels. Mais le pays est encore loin des 14,7 millions de touristes de 2010. Et nombre de restaurations de monuments dépendent de financements étrangers.

La rénovation de la mosquée de Baybars est financée par le Kazakhstan à hauteur de 4,8 millions d'euros et celle d'al-Maridani par l'Union européenne (1,2 million d'euros) et la fondation Aga Khan (133.000 euros).

Depuis sa maison historique restaurée sur fonds privés après 2011, l'architecte Alaa al-Habashi appelle à réagir: "Ca ne peut pas attendre. Si nous voulons rester sur la Liste du Patrimoine mondial, il n'y a pas une minute à perdre", explique-t-il.

Il exhorte à "impliquer les citoyens". A Beit Yakan, le nom de sa maison du 16e siècle, il organise des ateliers d'artisanat traditionnel, des conférences autour de la "revitalisation de la ville historique".

Obstacles bureaucratiques

Dans une approche similaire, la fondation Aga Khan a conçu, autour de la mosquée al-Maridani, un projet créant un circuit touristique dans le quartier ainsi que des formations destinées aux habitants pour accueillir des touristes.

"Cela va générer de l'activité économique et du tourisme. Mais ce projet a aussi une dimension sociale", se félicite Ibrahim Laafia, responsable des questions de coopération au sein de la délégation de l'Union européenne en Egypte.

Les bonnes volontés se heurtent néanmoins parfois à des obstacles bureaucratiques: c'est le ministère des Antiquités qui s'occupe des monuments, mais c'est au gouvernorat du Caire qu'incombe tout ce qu'il y a autour. Et les ministères du Tourisme, du Logement et aussi des Biens religieux, sont aussi partie prenante.

Au gouvernorat du Caire, un département pour la préservation des Antiquités a été créé pour la première fois en 2015. Sa directrice générale Riham Arram revendique des avancées, tout en reconnaissant que la préservation de la ville historique est "un grand défi".

"On n'a pas réussi à tout faire. C'est vrai qu'il y a encore des constructions illégales (...) Mais on va continuer. Maintenant la sécurité est stabilisée", dit-elle avant d'ajouter que des réformes pourraient alourdir les peines appliquées en cas de constructions illégales.

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